Fils de Thomas O'Kelly, installé à Dublin, Michael est bien connu de nos jours pour avoir fréquenté Mozart et pour les célèbres Réminiscences où sont compilés de nombreuses anecdotes piquantes sur la vie musicale et les personnalités de l'époque.
Passionné de musique, à l'instar de ses très nombreux frères et sœurs, Michael étudie le piano et le chant, notamment avec les castrats Peretti et Rauzzini : avant sa mue il chantait ainsi le répertoire de Tenducci dans le célèbre Artaxerxes de Arne ! Dès 1777, le voilà sur scène à Dublin dans La Buona Figliuola de Piccinni, Cymon de M. Arne et Lionel and Clarissa, classique de Dibdin. C'est en Italie qu'il se rend pour parachever une formation annonçant un musicien de talent.
Michael Kelly étudie à Naples pour étudier avec Fenaroli puis le célèbre castrat et pédagogue Aprile. Le réseau des Anglais à Naples, en tête desquels Sir Hamilton, lui fournit les leviers nécessaires à ses débuts palermitains puis à Bologne et Venise en 1782. Le comte Durazzo, ambassadeur de l'empereur d'Autriche, repère le charismatique ténor et le recrute pour la troupe de Joseph II : dès 1783, le ténor retrouve à Vienne Stefano Mandini, le brillant Benucci, les chanteurs allemands en place dont la Cavalieri, et sa jeune amie Nancy Storace accompagnée de son frère. Kelly l'avait rencontrée quelques temps auparavant, par hasard sur le port de Livourne : en raison de ses longs cheveux blonds et de son allure élancée, elle avait pris le ténor pour une femme travestie ! Les années viennoises sont l'occasion de nombreuses prises de rôles, bien souvent écrits sur mesure par des librettistes comme Casti et surtout Da Ponte : il chante La Scuola dei gelosi de Salieri en 1783, Il Re Teodoro in Venezia de Paisiello en 1784, L'Incontro inspettato de Righini et Gli Sposi malcontenti de Storace en 1785, Le Nozze di Figaro de Mozart et Gli Equivoci de Storace en 1786... Il amuse le public par le piquant de ses incarnations, allant, dans Demogorgone de Righini (1786), jusqu'à caricaturer la démarche et les poses de Da Ponte sur scène alors que le poète et auteur du livret est dans la salle ! Son talent pour l'imitation est largement reconnu. Après l'expiration d'un contrat de trois ans, Kelly rejoint sa patrie avec les Storace via Salzbourg et Munich, où ils rencontrent le vieux ténor Raaff, puis Paris. Le chant français le choque – que de cris ! – mais il succombe au charme de l'opéra comique, et surtout Richard Cœur de Lion de Grétry.
À son arrivée à Londres, où il est engagé à Drury Lane, Kelly accourt y voir la production de cet opéra : il y découvre émerveillée l'une de ses principales partenaires, la délicieuse Anna Crouch réunissant « en elle tout ce qu'il y a de plus exquis et de plus charmant. » Il fait donc ses débuts avec la gracieuse cantatrice dans Lionel and Clarissa, et tombe définitivement sous le charme : quand elle se sépare de son époux, Kelly et Anna Maria habitent ensemble jusqu'à la triste disparition de la chanteuse en 1805. Michael réussit tout aussi bien auprès du public londonien : il s'impose comme premier ténor à Drury Lane jusqu'en 1811, dans des ouvrages de compositeurs anglais (The Siege of Belgrade de Storace en 1791, The captive of Spilberg de Dussek et Kelly en personne en 1798 etc.) ou des arrangements d'opéras bouffes italiens traduits, comme The Barber of Seville de Paisiello (1789). Le chanteur paraît aussi en concert et dans le répertoire italien du King's Theatre, chantant même Admeto dans Alceste de Gluck en 1795, avec Brigida Banti, qu'il accompagne aussi en Arsace dans Semiramide de Bianchi, faute d'un castrat correct. Il y incarne également Iarba dans l'opéra sérieux anglais de Storace, Dido, queen of Carthage en 1792.
Enfin, Kelly réussit à imposer ses œuvres sur scène, avec un succès certain. Londres raffolant du pasticcio, il mêle surtout ses compositions à celles d'autres musiciens (italiens ou Grétry, Méhul, Dalayrac...) comme Pizarro en 1799, Gay Deceivers en 1804, tandis que Blue Beard, créé en 1798 et tiré de Grétry, demeure 26 ans au répertoire. Son retrait des scènes intervient en 1811 à Dublin, dans Così fan tutte de son cher ami Mozart. Cela ne l'empêche pas de continuer à composer : on donne par exemple The Unkowkn Hour en 1815 ; cette activité est cumulée avec l'édition musicale. Kelly favorise ainsi la diffusion d'opéras italiens de Nasolini, Winter, Cimarosa ou encore J. C. Bach. Lorsqu'il meurt en 1826, il est inconstablement une figure respectée de la scène musicale britannique, et ses œuvres ont traversé l'Atlantique pour séduire à Boston, New York et autres.
Nous laissons au lecteur le plaisir de découvrir les anecdotes piquantes des Réminiscences ; celles-ci doivent toutefois être abordées avec recul tant le ténor a tendance à s'y présenter sous un jour flatteur.
Du pur point de vue vocal, même s'il a essentiellement fréquenté le genre buffo, Kelly était tout à fait capable – ce que ne laisse guère deviner ses apparitions dans Le Nozze di Figaro de Mozart – et pouvait rivaliser avec Vincenzo Calvesi à Vienne. Son jeu et sa créativité sur scène lui valent une grande popularité, même si Lord Mount Edgcumbe lui reproche une certaine facilité vulgaire. |