Manuel Garcia voir le jour à Séville, où il se forme à la musique et chante enfant à la cathédrale.
Dès 1791, il entame une carrière de chanteur soliste au théâtre à Cadix, où il s'installe. Le répertoire est composé de pièces de théâtre ou d'opéras italiens (Cimarosa, Paisiello et autres), et aux entractes des sainetes et tonadillas en phase avec le goût et les couleurs locales, avec une prédilection pour le boléro, musiques très exigeantes pour les interprètes. Cette combinaison de langues et de style est au cœur de l'art de Garcia, comme compositeur et chanteur. Manuel se produit à Cadix de 1791 à 1797, et se marie une première fois (en secret !) avec la danseuse Manuela Morales (1797).
En 1798-99, débuts à Madrid, où le jeune couple se produit notamment dans la première œuvre connue de Manuel El Majo y la maja. Le ténor apparaît dans un autre théâtre madrilène la saison suivante, et en mai 1799, Garcia chante dans La Nina de Paisiello. Les prestations s'enchaînent, par exemple La Declaracion de Garcia lui-même. Refusant de chanter dans les chœurs pour la musique de scène de la pièce Idomeneo, Garcia est brièvement emprisonné. En 1800, il se produit et compose à Malaga, avant de retrouver Madrid, avec l'ambition de promouvoir un véritable opéra espagnol.
Installé dans la capitale de 1802 à 1807, Garcia obtient un succès grandissant, notamment dans ses propres compositions en espagnol, en particulier le monologue déclamé, chanté et dansé El poeta calculista (1805) ! Il rencontre une jeune comédienne et cantatrice avec laquelle il entretient un liaison, Joaquina Briones. À nouveau incarcéré pour des problèmes financiers, Garcia quitte l'Espagne avec femme et maîtresse ; mais Manuela rentrera rapidement au pays, laissant Manuel faire sa vie avec Joaquina en cachant son premier mariage.
C'est à Paris qu'il se fixe durablement au Théâtre-Italien entre 1808 et 1811. Il présente son Poeta calculista, personnage fétiche : Castil-Blaze évoque un « succès de fanatisme ». Garcia continue de privilégier un genre gracieux et sentimental, celui de Guglielmi, Mayr (Le Finte rivali), Paër, Mozart (Le Nozze di Figaro) ou encore Cimarosa (Il Matrimonio segreto, où il fait sensation par son interprétation de Pria che spunti). Ses partenaires sont les Barilli, Teresa Belloc ou encore Francesca Festa.
De 1811 à 1816, c'est dans les plus grands théâtres italiens qu'il brille, en commençant par Turin, pour pas moins de quatre productions à l'automne : il donne Paër, Pavesi mais aussi Il Matrimonio di Figaro de Mozart, dans le rôle du comte, avec la basse Nicola Bassi et la soprano Morandi.
Garcia s'installe à Naples où il devient un pilier du San Carlo jusqu'en 1815, à une période faste qui voit la création d'opéras de Rossini par des étoiles du calibre de Nozzari et Colbran. C'est un tournant en termes de répertoire, puisqu'il chante alors beaucoup de grands rôles sérieux. On présente des œuvres de Portogallo (Portugal), Generali, Manfroce, Farinelli (Partenope), Carafa (La Gelosia corretta) Federici, mais aussi des traductions de Gluck (Ifigenia in Aulide) et Hérold. Un grand nom se dégage, celui de Mayr, dont Medea in Corinto sera un grand succès, et plus encore Rossini, dont Garcia ne crée alors qu'Elisabetta. Il présente plusieurs de ses pages, comme La Donzella di Raab ou Diana e Endimione, n'oubliant pas non plus de reprendre l'Almaviva de Mozart.
Après Rome début 1816, pour la création du Barbiere di Seviglia (titré Almaviva ossia L'Inutile precauzione), Garcia se partage entre Paris et Londres. Rossini occupe désormais le cœur de son répertoire, entre Almaviva, Lindoro, Norfolc et Idreno. Ses succès parisiens sont partagés par une jeune étoile, Laure Cinti (future Cinti-Damoreau), et la basse Levasseur, ou encore la Fodor-Mainvielle. Il laisse le soin au jeune Adolphe Nourrit, à qui il donne des leçons, de chanter ses créations pour l'opéra français, La Mort du Tasse et Florestan (1821 et 1822), où s'illustre aussi la Branchu.
En 1825-26, Garcia se rend à New-York, où il défend ses propres œuvres (L'Amante astuto, La Figlia dell'aria) mais aussi celles de Mozart et Rossini, entendues pour la première fois localement. Dans sa troupe figurent la basse Angrisani, le jeune Crivelli, son épouse Joaquina, son fils et surtout sa fille Maria, future Malibran, qui incarne par exemple Tancredi ou encore le Romeo de Zingarelli. Il pousse jusqu'au Mexique en 1827, présentant des opéras en espagnol. Il compose durant ce voyage des œuvres qui ne sont pas nécessairement représentées, comme El Gitano por amor.
Manuel Garcia meurt à Paris en 1832. Ses filles Maria Malibran (née en 1808) et Pauline Viardot (née en 1821) se hissent elles aussi au niveau de la légende du chant. Son fils Manuel (né en 1805), baryton, s'illustre surtout comme grand théoricien du chant.
Vocalement, Garcia affichait une large voix de baryténor (chez Mozart) qu'une technique de voix mixte et une souplesse héritées du siècle précédent permettaient de soutenir des lignes aiguës et les coloratures les plus folles (Cessa di più resistere d'Almaviva). Castil-Blaze admirait ses « traits hardis, accentués, perlés à pleine voix ».
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