De son vrai nom Pietro Cesti, le musicien adopte le prénom Antonio en intégrant l'ordre franciscain. Connu de nos jours pour son œuvre vocal, Cesti était parallèlement un chanteur tout aussi réputé, souvent qualifié de ténor. Plus qu'un ténor, sans doute, à l'écoute des certaines partitions : à l'instar des meilleurs chanteurs masculins à voix naturelle du siècle, Cesti sans doute capable de chanter comme basse – comme par exemple Caccini ou Puliaschi.
C'est dans son Arezzo natal que Cesti débute enfant dans les chœurs. Il entre chez les Franciscains à quartorze ans. Il s'agit pour lui de pénétrer l'un des réseaux les plus sûrs pour s'assurer un carrière dans la musique ; mais le statut d'homme d'Église sera longtemps source de tracasseries. Cesti est maître de chapelle et organiste à Volterra et Florence, mais débute rapidement comme chanteur sur la scène. Protégé des Médicis, Cesti participe ainsi à l'inauguration du théâtre de Sienne en 1647.
En 1650, le jeune ténor chante certainement dans la première florentine du plus populaire des opéras du XVIIe siècle, Giasone de Cavalli, créé l'année précédente à Venise. Cette prestation lui est reprochée par les autorités religieuses. Cesti écrit ses premiers opéras à succès, dans lesquels il est probable qu'il chante, conformement à ce que l'on sait de ses habitudes. Le premier de ces opéras est sans doute Alessandro vincitor di se stesso en 1651 à Venise. Il participe aussi à nombre de productions à succès à Sienne, Florence, Lucques... au point d'être considéré comme « la gloire et la splendeur des scènes profanes. » Mais il entretient une relation avec la chanteuse Anna Maria Sardelli : l'Église l'enjoint à adopter un comportement plus seyant à un moine !
Cédant à la vogue italophile européenne, l'archiduc Ferdinand III convie Cesti à Innsbruck, où il demeure de 1652 à 1658. Il chante devant le souverain en 1654 à Regensburg, notamment, et se voit gratifié d'une belle récompense. Il y est chargé des spectacles musicaux, entouré de valeureux musiciens et d'artistes invités de prestige, comme la plus grande diva de l'époque, Anna Renzi. Là-bas, Cesti commence à produire des cantates profanes, dont on lui attribue l'invention et la popularité. Le chanteur-compositeur se produit dans ses opéras, ce qui est clairement attesté pour le Cleopatra de 1654 (d'après le castrat Melani, également prévu dans la distribution avant d'être renvoyé par Cesti) et Atamante dans L'Argia de 1655 – un rôle de basse dans la partition connue ! Il participe certainement à La Dori, créé spécialement en l'honneur de Christine de Suède, qui avait déjà vu L'Argia et goûtait particulièrement sa musique. Cependant Cesti ne chante pas Alidoro dans L'Orontea, comme l'indiquent plusieurs sources : la version alto est apparemment celle d'Innsbruck, contrairement à un manuscrit florentin dans lequel le rôle est pour ténor ; si Cesti participe à cette œuvre, c'est sans doute plutôt dans le rôle de Creonte. Parmi les fidèles de la troupe figurent la basse Donati, les castrats Pancotti, Sabbatini ou le contralto bouffe Tommaso Bovi.
Revenu en Italie, Cesti continue de chanter et composer : il faut l'intervention de ses nombreux soutiens pour enfin le délier des obligations de son ordre, et lui permettre de mener sa carrière sans entraves sur autorisation papale en 1659. À partir de 1660, Cesti est également ténor à la chapelle pontificale de Rome. Il se produit dans Ercole in Tebe de Jacopo Melani à Florence en 1661 (un ténor comme protagoniste semble être une concession à l'épouse française de Médicis, puisque les Français sont peu amateurs de castrats), où l'on reprend également L'Orontea : c'est à cette occasion qu'il transpose et interprète le rôle d'Alidoro ; Cesti y chante aussi une reprise de La Dori. Ses partenaires florentins comptent la superbe Leonora Ballerini, la basse Cavalli ou encore le castrat Rivani, mais Cesti tient son rang. Son chant « d'une miraculeuse douceur » est comparé à celui du castrat vedette Atto Melani ! Les arrangements avec l'Église tournent court, et Pietro Antonio fuit Rome précipitamment en 1661, craignant une excommunication !
On ne sait pas vraiment ce qu'il fait au fil des années suivantes, qui se partagent peut-être entre Florence et Innsbruck, où il rentre en service du nouvel archiduc Sigismond François. Là-bas, il crée La Magnanimita d'Alessandro dédié à Christine de Suède. La mort soudaine de l'archiduc en 1665, dernier rejeton de la lignée tyrolienne des Habsbourg, entraîne le transfert de la cour à Vienne.
Cesti y est donc directeur du théâtre et emmène avec lui ses chanteurs d'Innsbruck, notamment la basse Giulio Cesare Donati, les castrats Giuseppe Maria Donati, Sabbatini et Pancotti... Dans la correspondance de l'époque, il y est désormais décrit comme baryton : sa voix a baissé. En 1666, il interprète L'onor trionfante du maestro P. A. Ziani ainsi que sa propre œuvre Nettuno e Flora festeggianti, et l'année suivante Le Disgrazie d'amore et La Semirami (pour l'anniversaire de l'empereur). Pour les noces de l'empereur Leopold Ier et de Marguerite d'Espagne, Cesti fait donner en 1668 un fabuleux opéra, véritable saga aux innombrables changements de décors et à la distribution vertigineuse, intitulé Il Pomo d'oro. La distribution est inconnue, mais il est presque certain qu'il y chantait lui-même, avec la fine fleur des chanteurs de la cour de Vienne et peut-être des artistes invités de renom.
Après de nouveaux voyages à Venise et Sienne, le musicien décède, à seulement 46 ans. Cet artiste complet fut l'un des meilleurs et plus fêtés de sa génération.
Tableau infernal de l'acte II de Il Pomo d'oro, gravure de 1668
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