1717 – 1791

Le jeune John fait partie des enfants choristes de la chapelle Royale dirigée par Bernard Gates : c'est ainsi qu'il participe à la création d'Esther de Haendel en 1732. Le compositeur saxon est une institution à Londres, et marque l'essentiel de la carrière de Beard. Deux ans plus tard en effet, le jeune ténor quitte la chapelle et intègre sa compagnie pour débuter dans une reprise d'Il Pastor fido, dans le rôle de Silvio. Haendel est apparemment très enthousiaste au sujet de sa nouvelle recrue, et lui confie de très nombreux rôles à l'opéra comme à l'oratorio, avec la Strada, Carestini, puis Annibali, Gizziello, Elizabeth Duparc, Reinhold etc. S'il n'incarne que des rôles de second plan au début, sans le poids dramatique offert aux ténors Borosini ou Fabri, Beard accède peu à peu au statut de protagoniste au fur et à mesure que sa popularité s'accroît, en particulier et bien naturellement dans l'oratorio anglais. Ainsi, le ténor participe à Ariodante, Alexander's Feast ou encore Berenice, ainsi qu'au pasticcio Oreste et à la reprise de plusieurs opéras anciens, comme Partenope ou Arianna in Creta où il remplace le soprano Scalzi en Alceste.
L'opéra italien est en crise et Haendel se consacre plus activement à l'oratorio : pendant les années 1740, Beard participe à presque toutes les créations du genre, avant de subir la concurrence de son rival Lowe. Sa place est de plus en plus importante : Jonathan dans Saul, il crée Jupiter dans Semele, puis les rôles titres de Samson, Judas Maccabeaus, Belshazzar et Jephtha.
Outre sa collaboration avec Haendel, Beard s'illustre dans les ballad operas produits à Drury Lane, dans un genre plus populaire : il y retrouve Cecilia Young-Arne ou encore Kitty Clive et Reinhold dans des ouvrages de J.C. Smith, Arne, William Boyce, etc. Il participe bien entendu à une production du Beggar's opera en 1737, l'œuvre étant l'une des plus chéries du public londonien. John chante Comus de Arne l'année suivante, puis Rosalinda de Smith en 1740, Alfred de Arne dans les versions enrichies musicalement en 1745, The Chaplet de Boyce en 1749, Robin Hood de Charles Burney (plus connu comme musicographe), Prospero dans The Tempest de Smith en 1756, la première du fameux Love in a village arrangé par Arne et qu'il reprend encore en 1767... Beard participe aussi à Artaxerxes d'Arne donné au Covent Garden en 1762 avec Charlotte Brent et les castrats Tenducci et Peretti : l'œuvre est un opera seria sur un texte anglais et s'impose comme l'une des partitions préférées des Britanniques pendant plusieurs décennies avec Love in a village, The Beggar's opera, et le rule britannia d'Alfred.
Le ténor vieillissant administre Covent Garden à partir de 1761 sans pour autant cesser de se produire : plus que sa voix qui n'avait intrinsèquement rien d'exceptionnel, c'est sa musicalité et son goût qui étaient appréciés, servis par une technique impeccable. En 1767, il se retire de la direction de l'opéra – poste ingrat s'il en est – et de la scène, chéri du public, honoré par l'université d'Oxford et pensionné par Sa Majesté en qualité de soliste extraordinaire. Il termine ses jours tranquillement avec sa seconde épouse.

Beard accompagne un pan important de l'opéra anglais, dont il est l'un des piliers. Inspirant de belles pages de caractères très variés à Haendel, il sert également beaucoup le genre national en tentative d'affirmation face à la vogue italienne. Moins exigeants que les pages pour Borosini et Fabri, les rôles de Beard réclament toutefois une virtuosité parfaite et une voix charismatique, capable d'assumer les torrents de vocalises d'Il tuo sangue (Lurcanio) comme la poésie charmeuse de Where'er you walk (Jupiter).