Matteo est le fils d'un perruquier bolonais. C'est dans sa ville natale qu'il étudie les lettres, et bien que son père vise pour lui une carrière de médecin, il suit de leçons de chant avec le très célèbre ténor virtuose Arcangelo Cortoni. Ce dernier le fait travailler d'arrache-pied et parvient à sublimer un matériau vocal ingrat, et à mater le bégaiement dont Babbini est affligé !
Matteo Babbini commence avec un second rôle à Modène, en 1773 ; le véritable départ de sa carrière a toutefois lieu à Venise, alors qu'il remplace avec succès le premier ténor. Il est alors engagé pour la cour de St-Pétersbourg de 1777 à 1781, dans les opéras de Paisiello (Nitteti, entre autres). Il chante avec Caterina Bonafini et les castrats Compagnucci et Francesco Porri.
Un carrière internationale est lancée : en 1785, Babbini est à Vienne, la saison suivante à Madrid et Lisbonne. Il se produit également à Londres, où il chante notamment un pasticcio d'Artaserse, et des opéras bouffes. Le Daily Universal Register commente en avril 1785 :
Babooni! Babooni! all the world running after signior Babooni [...]. Signior Babooni is a tenor, and a good one – but there is one material objection: his voice is natural... His voice is diminutive, his contenance shrivelled, and as to grace and action, signor Babooni has to acquire both.
Ce commentaire perfide souligne combien l'art de Babbini était proche de celui d'un Pacchierotti, d'une nouvelle manière de chanter expressive et naturelle rappelant les objectifs de Gluck. Il est certain que Londres aimait les grands virtuoses, comme la Banti, Danzi-Lebrun, Mara ou Billington, rossignols avant tout.
En 1787, Babbini est au concert spirituel de Paris, où Marie-Antoinette l'accueille chaleureusement et demande à chanter en duo avec lui. Castil-Blaze rapporte ainsi :
Babbini d'ailleurs avait un charme, une séduction dans la manière de présenter la phrase musicale, une élocution si pathétique et si noble, qu'il enchantait ses auditeurs, bien qu'il ne pût atteindre au brillant éclat, à la fougue impétueuse de Davide. Martin, notre fameux ténor de l'opéra comique, [...] m'a parlé de Babbini comme d'un chanteur accompli.
Sans être un virtuose aussi éclatant qu'Ansani ou Giacomo David, Babbini n'en était pas moins un parfait belcantiste ; le même Castil-Blaze raconte qu'à Londres, Guglielmi dut calmer les ardeurs décoratives du ténor en lui disant « Mon ami, veuillez bien, je vous prie, chanter ma musique et non la vôtre. »
En Italie, Babbini se produit sur les meilleures scènes, avec les partenaires les plus prestigieux : il crée Zelmira d'Anfossi à Venise (1782) ; L'Olimpiade de Sarti à Rome (1783) ; Alessandro nell'Indie de Bianchi à Venise avec Brigida Banti et Pacchierotti (1785) ; le Pigmalione de Cimador donné à Venise en 1790 sera l'un de ses chevaux de bataille. C'est dans la Sérénissime que le ténor donne un de ses succès les plus remarquables, avec Gli Orazi ed i Curiazi de Cimarosa, accompagné de Crescentini et de la contralto tragique Grassini. Le succès de l'œuvre est immense.
Exceptée une courte saison 1792-93 à Berlin avec son élève Gatoni,
il se produit dans les opéras de Zingarelli, Paër, Mayr (I Misteri eleusini) à Trieste, Milan, Bologne, jusqu'en 1805.
Retraité, il enseigne le chant à l'académie de Bologne, et compte le jeune Rossini parmi ses élèves, le conseillant même au moment de la composition de Demetrio e Polibio.
À l'instar de Giacomo David, Mombelli et d'Ansani, Babbini incarne le modèle des ténors qui occupent les premiers rangs au début du XIXe siècle, comme Nozzari, David junior ou Donzelli : les castrats cèdent la place alors que s'achève le siècle des lumières, et le ténor est le mieux placé pour briller sur scène. |