Le ténor Gregorio Babbi voit le jour à Cesena mais se forme à Naples. Il entre assurément au service du duc de Toscane au début de sa carrière.
Au théâtre, on l'identifie d'abord dans des pages comiques de Buini à Bologne (La Maschera levata al vizio) avec Rosa Ruvinetti en 1730, mais en décembre de la même année, il se frotte déjà au grand genre à Florence avec le contralto Baldi.
Après Rome pour la saison 1731-32 (avec le déjà célèbre ténor Fabri), il
se produit au San Samuele dans Euristeo de Hasse, avec Caffarelli et la Cuzzoni, puis dans La Caduta di Leone au Sant' Angelo, avec la seconda donna Giovanna Guaetti-Babbi, son épouse souvent présente avec lui sur scène. On l'entend aussi à Trévise, Lucques, Gênes et Pise. En 1735, il est encore à Venise pour La Griselda de Vivaldi avec la Girò.
Babbi écume les plus grandes scènes italiennes : Turin (notamment dans Demetrio de Giacomelli avec la Viscontina et Senesino), Venise (y compris pour une nouvelle version de L'Olimpiade de Pergolesi), Reggio, Rome, Bologne, Padoue (Demofoonte de Jommelli)... Il est de retour à Turin en 1743-44 avec la Turcotti et Gizziello (Vologeso de Leo, etc.) puis encore pour le carnaval 1744-45.
En 1745-46, le ténor est à Naples et fait fureur au point qu'on l'engage à la chapelle royale afin de le maintenir en ville. Babbi entame alors une collaboration constante jusqu'en 1759, qui lui permet de côtoyer diverses vagues de premiers chanteurs : il prend part, entre autres, à Il Sogno d'Olimpia de De Majo avec la Tesi (1747) ; La Clemenza di Tito de Perez avec Aschieri (1749) ; Adriano in Siria de Conforto avec Caffarelli et Caterina Flavis ; Temistocle de Jommelli avec Pilaja et Tenducci (1757) ; Ciro riconosciuto de Piccinni avec Rosa Tartaglini et Manzuoli (1759).
Durant cette période napolitaine, il paraît de temps à autre à Florence, Rome ou encore Milan. Babbi est aussi invité à Lisbonne où il échappe miraculeusement, avec ses collègues, au tremblement de terre de 1755, alors qu’il est programmé notamment pour Alessandro nell’ Indie de Perez et Antigono de Mazzoni avec Caffarelli. À son retour, il s'illustre à Gênes, Florence et Rome (Il Creso de Jommelli avec les sopranos Potenza, Millico et Caselli) avant de retrouver les scènes de Naples. En 1759, après une reprise de La Clemenza di Tito de Hasse avec Guarducci, Gregorio est remplacé sur les planches du San Carlo par un ténor légendaire : Anton Raaff.
Certaines sources lui prêtent des apparitions à Londres, Madrid et Vienne. La beauté de la voix de Babbi fit chavirer le public napolitain, mais on doit certainement louer sa présence dans des rôles dramatiques de premier plan, notamment en pleine émergence métastasienne. De plus, son étendue et sa virtuosité étaient absolument phénoménales : longues coloratures et écarts vertigineux faisaient même sa spécialité (écouter Mazzoni, Latilla).
Dans son Voyage en Italie, J. de Lalande indique ce qui distinguait la technique de Babbi : il était capable de monter jusqu'à l'ut à pleine voix, contrairement à ses contemporains qui employaient la voix de fausset à partir du sol ; cela le rapproche des ténors modernes. Babbi dépassait cet ut de poitrine d'une quinte en voix mixte, allongeant son étendue à environ trois octaves. Cependant, en 1771, la polémiste Sara Goudar le juge extrêmement sévèrement :
Babbi chantait avec plus de force que de goût. Quelquefois il violenta la scène. Il fallait qu'il chantât bien pour faire oublier qu'il était mal au théâtre. Ce petit homme s'y comportait comme un vrai charlatan.
Cela n'empêche pas le théorien Mancini de citer Babbi au même titre qu'Amorevoli parmi les chanteurs accomplis, ni Charles Burney d'encenser le chanteur et l'artiste. Et le Président De Brosses de voir en lui : « la plus belle haute-taille qui se puisse, allant aussi haut que Jellyot [Jélyotte, haute-contre vedette en France], et fort bon acteur. »
Son fils devient compositeur et violoniste, et son petit fils Gregorio s'illustre également dans le chant, comme basse.
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