Aloysia grandit à Mannheim, peut-être sa ville natale, avec ses sœurs Josepha (ensuite épouse Hofer), Sophie, et Constanze (ensuite épouse Mozart). C'est à Wolfgang et aux liens étroits qui les unirent qu'elle doit un intérêt particulier à notre époque.
Aloysia quitte Mannheim pour Munich en 1778, comme toute la cour : elle y fait ses débuts en tant que soprano, avant de passer au service de l'empereur Joseph II à Vienne dès l'année suivante. Le souverain met en place une troupe pour chanter le Singspiel, et c'est dans ce cadre que les Weber se rendent dans la capitale autrichienne. Malheureusement, le père d'Aloysia décède et la soprano finit par épouser l'acteur Joseph Lange. Mozart, qui avait apparemment souhaité – vainement – en faire sa femme vers 1777 lorsqu'il se trouvait à Mannheim, sans que l'on sache si ce désir était réciproque, retrouva une Aloysia très froide à Munich en 1779, ce qui se solda par des insultes. Mais alors que les Weber et Mozart se rencontrent à Vienne vers 1781, le climat est apaisé et le compositeur s'attache alors à la jeune Constanze. Il continue ainsi d'écrire de la musique pour Aloysia, connaissant parfaitement les capacités de sa voix très agile et suraiguë, lui faisant travailler les airs d'Anna De Amicis, notamment.
À Vienne, Aloysa débute en 1779 au Kärntnertortheater dans Der Rosenfest von Salenci, et poursuit en Zémire de Zemire und Azor de Grétry, avec le ténor Souter. Elle chante avec ce dernier, la basse Fischer et la soprano Therere Teyber dans Die Pilgrime von Mekka de Gluck. Elle poursuit avec d'autres pages signées Grétry, Umlauf et Ulbrich (Der blaue Schmetterling). En 1782, Aloysia intègre la troupe du Burgtheater destinée à l'opéra italien. C'est lors de cet engagement qu'elle participe à une production du Curioso indiscreto d'Anfossi (avec Adamberger), pour lequel Mozart compose deux splendides airs de substitution. On l'entend toujours au Kärntnertortheater et occasionnellement au Burgtheater, pendant de nombreuses années. Elle participe par exemple à Il Falegname de Cimarosa avec Benucci et Mandini, ainsi que d'autres opéras d'Anfossi et Sarti. La Lange se rend régulièrement à Munich, pour donner des concerts et chanter des opéras (dont Zémire de Grétry en 1784), ce qui occasionne parfois une certaine fatigue vocale. En 1788, c'est à elle que Mozart confie donna Anna dans la première viennoise de Don Giovanni, avec Albertarelli et Laschi. La cantatrice reprend également Die Entführung aus dem Serail, dans la redoutable partie écrite pour la Cavalieri ; en 1786, les deux divas s'écharpent à coup de contre-notes dans la parodie Der Schauspieldirektor. Aloysia Lange paraît régulièrement en concert, notamment dans le cadre de la Tonkünstler-Sozietät, participant par exemple à une reprise du Giob de Dittersdorf en 1788 avec Adamberger et la Cavalieri, ou à la création de Die Hirten bei der Krippe zu Bethlehem d'Eybler en 1794, avec la basse Saal. La création d'une cantate de Maria Theresa Paradis la confronte à la jeune Therese Gassmann : c'est toutefois la Lange que Zinzendorf distingue dans son journal. Chez le baron von Swieten, elle est de tous les arrangements d'oratorios de Haendel que présente Mozart, avec Adamberger et Saal. Aloysa se produit ailleurs : elle enchante Dresde en 1784, dans des pages de Naumann (airs de Cora und Alonso), et joue son rôle fétiche, Constanze, à Hambourg et Berlin en 1791.
De retour à Vienne, elle retrouve les concerts, notamment La Clemenza di Tito de Mozart : Marianna Sessi incarne Vitellia, l'excellent ténor Viganoni, Tito, et Aloysia, Sesto, qui devient son nouveau cheval de bataille. Ce concert est donné au bénéfice de la veuve du compositeur. Aloysia part justement en tournée avec Constanze en 1795, où notre soprano reprend Sesto, intégralement ou en extraits (à Graz, Leipzig, Berlin). Désormais séparée de son époux, elle ne revient pas à Vienne mais bénéficie d'engagements à Amsterdam, Hambourg et Paris. En 1801, on l'appelle à Francfort où elle exerce comme pédagogue, sans cesser de chanter : elle donne Das Labyrinth de Winter en 1806. Les guerres napoléoniennes la chassent à Zurich en 1813, où là encore elle enseigne et se produit comme soprano, avant de revenir enfin à Vienne vers 1818. C'est avec ses sœurs qu'elle passe ses vieux jours à Salzbourg, à partir de 1831.
L'acteur danois Preisler entend la cantatrice à Vienne et en fait le rapport à la direction du théâtre royal de Cophenhague :
Sa voix est phénoménale, mais [...] loin d'être aussi bonne que notre Müller [la soprano Caroline Müller]. Cependant son registre aigu, sa délicatesse, son exécution, son goût et sa science ne peuvent que susciter l'admiration d'un critique impartial. [...] Elle est capable de chanter les parties les plus longues et difficiles infiniment mieux que les cantatrices italiennes choyées par la noblesse viennoise.
Ses aventures sentimentales avec Mozart ne doivent pas occulter la réalité de son talent. Même si sa carrière ne décolle guère à Vienne, elle rencontre tout de même un succès considérable où qu'elle paraisse. On se demande encore comment elle pouvait chanter Popoli di Tessaglia, où un long récitatif accompagné dramatique précède un air riche en passages culminant à deux reprises au sol5 ! Il est aussi envisageable qu'elle soit la destinataire du très difficile Sperai vicino il lido, qui correspond parfaitement à ses moyens (jusqu'au fa5), plutôt qu'Elisabeth Sarselli-Wendling comme on le lit très souvent.
Il s'agit indéniablement d'une des plus grandes interprètes et muses mozartiennes, et la diversité des airs qui lui sont destinés est d'une richesse inépuisable. |