La jeune soprano est la fille de Karl von Sardi, professeur à l'académie militaire de Vienne.
Sa voix est plutôt celle d'un soprano grave ou mezzo-soprano, pour les oreilles modernes, et certaines sources louent particulièrement son registre grave. Elle débute dans le rôle de Cherubino des Nozze di Figaro en 1786. D'emblée, le public est séduit par le naturel et le charme de sa présence et de son chant. Pourtant, du pur point de vue musical, on s'accorde à dire que la jeune chanteuse est peu instruite et peine à interpréter les airs un tant soit peu difficiles – on suppose parfois que Non so più, exigeant une certaine rigueur rythmique et une intonation sinueuse, est coupé lors de la première série.
Quelque temps après, Dorotea épouse Francesco Bussani, basse de la troupe. On retrouve le couple très régulièrement dans les diverses reprises et créations
comme les immenses succès Una cosa rara, Cosi fan tutte et surtout Il Matrimonio segreto de Cimarosa en 1792. Cette dernière œuvre plaît tellement à l'empereur qu'il demande à la troupe de la bisser le soir même de la création ! Lorsque l'empereur songe de redonner l'opera seria à Vienne, il envisage de confier les parties de seconda donna à Dorotea ; mais elle doit se contenter de participer à la vaste cantate Venere e Adone de Weigl en 1791, avec Cecilia Giuliani, Adamberger et Calvesi.
Si Dorotea Bussani chante régulièrement les œuvres de Da Ponte, celui-ci ne la porte guère dans son cœur ; en effet, il s'entend mal avec l'époux de la chanteuse, et le succès personnel de la soprano fait ombrage à sa maîtresse, la Ferrarese. Ainsi, il écrit fort objectivement dans ses mémoires :
... une Italienne, bien que désagréable et de peu de talent, s'était gagné grâce à ses affeteries, ses grimaces, ses intrigues théâtrales un grand nombre de partisans parmi les cuisiniers, les laquais, les valets de chambre, les coureurs, les coiffeurs, etc., et par suite était très contente d'elle.
Dorotea est en effet en concurrence avec maintes prime donne : la Storace, Luisa Laschi, la Cavalieri, la Ferrarese, Anna Morichelli... Sans compter Aloysia Weber-Lange ou Francesca Benucci.
En 1794, les Bussani quittent Vienne et parcourent l'Italie : on les entend à Naples dès l'été (Amore immaginario de Fioravanti avec Calvesi), puis Rome et Florence. On perd leur trace entre 1795 et 1799, où le couple reparaît à Rome. Dorotea chante avec, mais surtout sans son mari à Naples en 1800. Elle participe notamment aux Amanti in cimento de Guglielmi, compositeur qu'elle chante beaucoup, comme prima buffa assoluta. Seule ou accompagnée de Francesco, la chanteuse se partage entre Palerme et
Naples pour de nombreuses productions, jusqu'en 1803 qui marque un retour entre Rome et Gênes. Suivent Bologne, Parme (I Raggiri della serva de Guglielmi) et Florence.
Fin 1807, Dorotea se rend à Lisbonne où elle se produit avec le ténor Tramezzani : c'est là que décède Francesco. La chanteuse reste au Portugal : elle interprète par exemple une cantate de Guglielmi en 1808 avec pour partenaires la Gafforini ou encore Luigi Brida. Les principaux chanteurs italiens quittent la troupe et se rendent à Londres en 1809. Ce n'est pas un succès pour elle.
On l'entend en Sicile à partir de 1810 (Palerme puis Messine). Sa dernière prestation date de 1813-14 à Cagliari dans Il Torto è dei mariti d'Andreozzi.
La musique composée pour Dorotea est vocalement peu exigeante ; ce sont plutôt des qualités théâtrales qui sont requises, un charme, un charisme qui ne sont pas évidents à saisir, entre la finesse des émois d'un Cherubino ou les éclats bouffons de Lisotta dans La Cifra. |