Originaire de Ferrare, Ippolita Santi intègre l'Ospedaletto de Venise à un âge déjà très élevé pour une institution supposée accueillir des orphelines : elle a déjà 23 ans quand elle est admise dans le chœur. Il faut dire que depuis les années 1750, d'excellentes chanteuses vont et viennent, dans un climat de concurrence musicale acharnée avec les théâtres et les autres hospices vénitiens, et que les Derelitti ont besoin de solistes talentueuses prêtes à l'emploi !
C'est donc apparemment dans le Rex Salomon du maestro Traetta qu'elle débute en 1766, avec les chanteuses qui seront ses principales collègues, notamment la contralto Francesca Gabrieli et la soprano Laura Conti. Santi est soliste dans tous les oratorios et interprète de nombreux psaumes et motets, notamment de Sacchini, puis dans les années 1770 du nouveau maître du chœur, Pasquale Anfossi. Citons Charitas omnia vincit de Sacchini vers 1769, Nuptiae Ruth du même en 1772, et deux ans plus tard Jerusalem eversa d'Anfossi, qui affiche neuf solistes, dont les nouvelles étoiles Paola Caldara, Lucia Bianchi et Lucia Tonello.
Burney est à Venise en 1770 et visite tous les hospices ; voici l'impression qu'il tire de l'Ospedaletto :
Ici aussi toutes les interprètes sont des orphelines ; l'une d'elles, la Ferrarese [Ippolita Santi], chanta fort bien, et avait une étendue de voix absolument extraordinaire, car elle était capable d'atteindre le mi le plus aigu de nos clavecins en le soutenant très longuement d'une voix belle et naturelle.
Un autre jour, le musicographe assiste au Macchabæorum Mater de Sacchini, et y entend
un duo véritablement sublime : il fut extrêmement bien exécuté par Domenica Pasquati et Ippolita Santi [...]. Les chants que j'avais entendus à l'hôpital ce soir là, tout comme ceux des Incurabili, j'en suis certain, auraient été très applaudis dans le plus grand des opéras d'Europe.
Ippolita Santi semble néanmoins quitter l'Ospedaletto après une dizaine d'année : une crise traverse les hospices en 1777, ce qui explique sans doute son absence après 1778 : on ne sait pas si elle se marie alors. On retrouve encore son nom en 1777 sur le livret de Samuelis umbra d'Anfossi.
Cette cantatrice était probablement dotée d'un soprano plutôt léger, puisque les partitions confirment les propos de Burney et exigent au moins le ré5. Ce style s'inscrit du reste dans le goût de l'époque pour les voix aiguës. Notons que l'appréciation de Burney a souvent été attribuée à Adriana Ferrarese, qui partage le même surnom, mais chante plus tard aux Mendicanti. Ippolita est aussi parfois confondue avec une autre Ferraraise des Derelitti, sa contemporaine Francesca Gabrieli. |