Maria Domenica est sans doute native de Venise. C'est là qu'elle intègre le fameux Ospedale della Pietà, où elle reçoit l'enseignement de prestigieux musiciens, dont Gasparini et Vivaldi. Elle y apprend à maîtriser une voix proche du mezzo-soprano et à jouer du violon.
Quand le prince Anton Ulrich se rend sur les lagunes à la fin des années 1710, il repère la jeune interprète et l'engage pour la cour d'Arolsen, en Hesse. En effet, il a l'ambition d'y cultiver un environnement artistique, malgré le peu de moyens dont il dispose, ce qui implique la production de musique italienne. Domenica est donc engagée dès 1719, et rencontre sur place le violoniste Leonhard Polon qu'elle épouse l'année suivante. Le répertoire de la cour comprend diverses pages de Polon, justement, comme la serenata Il Genio festeggiante di Arolsen ; Domenica est chargée de donner des concerts au château. Ses liens avec Venise lui permettent de faire venir des partitions de la Sérénissime.
En 1724, les Polon ont la permission de se produire ailleurs, et rejoignent le prestigieux Theater an Gänsemarkt de Hambourg, alors sous la direction de Telemann. Domenica Polon y chante des rôles importants en qualité de prima donna ou primo uomo face à la flamboyante Margaretha Susanna Kayser. Appelée Mad. Pollone, la cantatrice débute en Octavia du Nero adapté d'Orlandini et Mattheson, et participe à plusieurs serenate et adaptations d'œuvres de Haendel (Asteria de Tamerlano ou Sesto de Giulio Cesare – cf. ci-contre – en 1725) ou encore Gasparini, Caldara (Pharao), Porta etc. Polon a pour partenaires réguliers les sœurs Monjo et les Riemschneider, ainsi que le castrat Campioli. Elle crée aussi des pages de Telemann comme Miriways, ou encore Autonoe dans Cadmus de Kuntzen en 1724. La cour succombe aussi au goût français, et Polon chante Melpomène dans un prologue à Venus und Adonis de Desmarets, et des actes de ballets de Campra. On l'entend aussi dans Das jauchzende Grossbrittannien de Telemann en 1728. En 1729, elle reprend le rôle titre de Giulio Cesare de Haendel, au prix, certainement, de transpositions ; sa Cléopâtre est la soprano Avoglio, de passage à Hambourg. En avril de cette même année, elle est toutefois de retour à Arolsen. Mais elle effectue un nouveau séjour à Hambourg pour interpréter le rôle titre de Flavius Bertaridus de Telemann avec les Kayser et la basse Westenholz, ainsi qu'Europe dans une serenata de Porpora et Leo, début 1730. On remarquera ainsi la fréquence de ses apparitions dans des rôles masculins, et à ce titre il est tout à fait probable qu'elle soit aussi l'Atis soprano de Keiser dans Croesus.
D'après certaines sources, sa trace est ensuite perdue à la cour d'Arolsen, si ce n'est peut-être pour l'exécution d'une Trauer-Kantate en 1739. D'autres sources signalent son activité en Hesse pendant la même période. Elle semble installée avec sa fille Maria Friederica à Warburg à compter de cette même année. Elle survit au moins jusqu'en 1750.
Son chant fait partie de ce qu'il y a de meilleur dans les années 1720 en Allemagne, et ses origines influencent certainement la diffusion des musiques de Venise dans le pays.
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