Negri est un patronyme courant, et plusieurs Negri du même nom font carrière en même temps, source de confusions encore entretenues aujourd'hui dans de nombreux documents. La présente notice traite de deux sœurs, Maria Rosa et Anna, dont le lien familial est attesté et qui mènent une carrière facile à retracer puisque cantonnée à la cour de Saxe.
Maria Rosa et Anna sont
peut-être liées à des contemportaines, comme la soprano Antonia Negri, qui se produit régulièrement à Venise, ainsi que les sœurs Maria Caterina Negri, contralto renommé, et Rosa Negri (épouse Risack), mezzo-soprano peu doué. De fait, toutes ces chanteuses sont originaires de Bologne.
En 1724, toute jeune, Rosa est engagée avec Anna par le prince électeur de Dresde, en même temps qu'Annibali, Rocchetti, Maria Cattenea ou encore Casimiro Pignotti. Le roi de Pologne et électeur de Saxe investit lourdement dans ses nouveaux poulains, et les fait former à grands frais avant leur arrivée effective à la cour ; aussi les Negri sont-elles reçues plusieurs années à l'ospedale della Pietà, sur demande officielle. Tous les chanteurs arrivent fin prêts à la cour en juin 1730 : il est probable que l'Egloga al campo di Radewitz de Ristori soit l'occasion de faire entendre les forces musicales renforcées du prince. Mais les Negri ne participent pas à Cleofide, qui ouvre une grande page de la musique dresdoise. En tant que femme, Rosa n'est pas habilitée non plus à se produire dans l'église catholique locale, et ne chante jamais dans les oratorios.
D'Anna et Maria Rosa, la seconde est assurément la plus active à la cour. Après le temps sans doute nécessaire pour parachever sa formation, elle prend part à Cajo Fabricio en 1734 puis s'impose comme un pilier de la troupe durant de nombreuses années, au service des compositions de l'immense Hasse.
Rosa se produit avec la célébrissime Faustina Bordoni, ainsi que les castrats Annibali, Pozzi, Rochetti et Bindi, et le ténor Amorevoli. Elle participe notamment à La Clemenza di Tito en 1738, La Spartana Generosa en 1743 avec Carestini, L'Asilo d'amore en 1744, Arminio en 1745, Attilio Regolo en 1750... Dans cette dernière œuvre, on commence à critiquer son physique vieillissant et son embonpoint tout en précisant que sa voix compense ces défauts (cf. gravure ci-dessus dans le rôle de Barce). Dans un registre plus léger, Rosa Negri chante Alcina dans Le Fate de Ristori, avec la basse bouffe Cosimo Ermini et sa sœur Anna en Melissa. Elle participe aussi probablement à la serenata Il Diamante de Zelenka en 1737.
Anna paraît beaucoup moins à l'opéra : on la retrouve par exemple dans Alfonso en 1738. Elle ne séjourne à Dresde que jusqu'en 1740 avant d'entrer dans les ordres en Italie.
Maria Rosa devient quant à elle l'épouse du peintre de la cour Francesco Pavona, et demeure avec lui à Dresde avec leurs deux enfants, dont le parrainage est royal et démontre l'importance locale de ces artistes. Toutefois, Maria Rosa ne chante plus à l'opéra : Caterina Pilaja s'octroie les rôles de seconda donna au cours des années 1750. Mais en 1756 Maria Rosa reçoit toujours un traitement d'environ 1300 thalers, toujours membre officielle de la chapelle. Certaines sources indiquent que la chanteuse termine ses jours prématurément en 1760 lors du bombardement de la ville.
Maria Rosa avait une voix souple à l'aigu relativement aisé, bien que limité au la4 : ses collègues Bindi et Rochetti allaient à l'ut voire au ré. |