La jeune Rosa voit le jour dans un milieu modeste à Sinigaglia, dans les Marches, sous le nom de Rosa Morolli. Repérée par le compositeur et organiste Giovanni Morandi, elle étudie sous sa houlette et l'épouse en 1804, faisant carrière sous son nom d'épouse.
Elle débute d'ailleurs peu après son mariage : on la repère en 1805 à la Pergola de Florence dans des pages légères comme Gli assassini de Trento. L'année suivante, la soprano s'attaque au genre semi-sérieux avec Camilla de Paër, succès du moment. Parmi les trois productions milanaises auxquelles Rosa participe en 1807, on l'applaudit en Dorabella de Mozart, alors que cet opéra est encore rarement redonné. La jeune et talentueuse Giorgi-Belloc est sa partenaire, avec la basse Brocchi. Après des prestations à Crémone et Varese, Morandi reprend Così fan tutte à Paris an 1809. Le voyageur allemand Karl Morgenstern la découvre cette année-là : Rosa est assez jolie, douée pour le jeu, mais se distingue surtout par l'excellence de son chant, inscrit dans le meilleur de l'école italienne.
Spontini, qui cherche à recruter pour Paris en 1810, écrit à nouveau à Rosa (ainsi qu'à Pauline Milder). Mais c'est entre Rome, Pise et surtout Venise qu'elle passe l'année. À Venise justement, elle reste spécialisée dans la farce et le drame sentimental, créant Adelina de Generali mais aussi La cambiale di matrimonio de Rossini avec les basses De Grecis et Raffanelli.
Outre quelques oratorios ou drames sacrés en vogue, Morandi est fidèle aux genres buffo et semi-serio à Gênes, Turin, Rome et Sienne au cours des trois années qui suivent, chantant Pavesi, Generali, Mosca... L'opéra sérieux apparaît dans son parcours en 1812, avec I Riti d'Efeso de Farinelli comme primo uomo avec la Riccardi-Paër et le ténor Mombelli, puis Emira e Conallo de Mosca et La rosa bianca e la rosa rossa de Mayr, avec le castrat Testori. Rossini, dont l'étoile monte en flèche, se ménage une place dans son répertoire, avec L'inganno felice et L'italiana in Algeri (Isabella soprano donc).
De retour à Paris en 1814-15, la Morandi se produit au Théâtre de l'Impératrice et reprend Paisiello et Cimarosa (Penelope avec Crivelli). En 1816, Venise met la nouvelle génération à l'honneur, et Rosa interpète Rossini, Coccia, Vaccai (création de Malvina) et Pacini. On la retrouve à Paris au Théâtre-Italien en 1816-17 : la voici dans des opéras de Cimarosa avec Garcia, mais surtout dans la première représentation locale d'un opéra de Rossini au théâtre, en l'occurrence L'italiana in Algeri. Malheureusement l'accueil n'est d'abord guère positif, notamment parce que la soprano est indisposée, mais aussi parce que l'absurdité bouffonne du livret déplaît.
La transition vers des rôles sérieux est presque totale au retour en Italie, à Crémone, Trieste ou encore Brescia, entre Elisabetta de Pavesi, Otello de Rossini – Desdémone devient un de ses rôles fétiches – et Gabriella di Vergy de Coccia. Mozart se distingue aussi (la comtesse). En 1819-20, est encore prima donna seria à Venise, où elle reprend des pages destinées à la Colbran dans le pasticcio Eduardo e Cristina arrangé par Rossini, ainsi qu'Emma di Resburgo de Meyerbeer et Costantino de Stuntz. Avec les grands Rossini sérieux, ces trois œuvres sont reprises au fil de ses pérégrinations à Reggio, Lucques, Ravenne, Crémone, Vicence... En 1822, un nouveau cheval de bataille est créé à Ravenne, avec La sacerdotessa d'Irminsul, dont le thème annonce Norma. La même année, la Morandi est applaudie à la Scala en Matilde di Shabran de Rossini puis deux créations de jeunes talents, Mercadante et Donizetti. Parmi diverses productions florentines de 1823, Rosa chante Curiazo avec l'Orazia de la Grassini, qui avait créé le rôle un quart de siècle plus tôt. Otello et Tancredi de Rossini signent la fin de la carrière de Morandi à la fin de cette même année, à Milan : la chanteuse décède l'année suivante.
Le compositeur français Hérold entendit Rosa à Turin en fin de carrière, écrivant cruellement qu'il s'agissait d'« une rose qui n'est pas à peine éclose ». Le Véridique de Gand de 1820 rapporte ironiquement ce qui suit :
La gazette de Ravenne raconte que tout le pays est occupé fort sérieusement à décerner un triomphe magnifique à la première chanteuse de l'opéra. La signora Rosa Morandi informe le public, dans cette gazette, qu'elle a obtenue l'autorisation supérieure d'être couronnée publiquement ; que le théâtre sera splendidement illuminé ; qu'elle chantera, avec sa supériorité ordinaire, le magnifique rondeau qu'on a toujours si universellement applaudi ; qu'après les trépignements et les bravos d'usage, il tombera du cintre une copieuse pluie d'or, mêlée d'une quantité innombrable de sonnets, de madrigaux et autres compositions poétiques, où l'admiration qu'elle excite sera exprimée par les plus beaux vers du monde. Ensuite, ajoute la signora Morandi, il descendra des amours tenant des guirlandes de fleurs, des colombes et des oiseaux, et, au milieu de ce paradis d'opéra, on posera une couronne sur la tête de la très-modeste actrice [...].
Rita Stark a consacré à la chanteuse une biographie en 1998, intitulée Rosa Morandi: The Swan of the Paris Opera. Elle est parfois décrite dans la musicographie comme mezzo-soprano. Il faut dire que bon nombre des grandes voix de l'époque évoluait dans une tessiture centrale (Festa-Maffei, Giorgi-Belloc, Colbran). |