Cette soprano italienne fait montre de capacités dramatiques et vocales exceptionnelles.
Il faut dire qu'elle débute à bonne école, en intégrant à 14 ans l'ospedale dei Mendicanti de Venise, alors que celui-ci est à son meilleur. Elle y chante des oratorios latins de Bianchi, Avanzini, Paisiello et surtout du maestro Bertoni, jusqu'en 1781. Cette période lui permet de côtoyer une autre pensionnaire promise à un beau succès sur les planches : la Ferrarese. William Beckford, voyageur anglais à Venise en 1780, déclare après avoir assisté au Baltassar de Bertoni : « On ne saurait trop applaudir la Marchetti, qui chantait la partie de Sisara, et rendit les idées du compositeur avec le plus de sentiment et d'esprit. »
La soprano part affronter les feux de la rampe peu de temps après sa sortie.
Maria Marchetti épouse le ténor Fantozzi vers 1783, quand sa carrière prend de l'essor, et se produit alors le plus souvent avec le nom de cet époux accolé au sien. On l'entend dans des théâtres secondaires au début de la décennie (Pavie, Alessandria, Crémone...), puis à Florence en 1785 dans L'Olimpiade de Borghi. Après s'être abondamment illustrée à Naples où elle donne au moins neufs opéras en 1785-86, dont Alceste de Gluck (mais aussi Tritto, Cipolla, Paisiello, etc.), la soprano est à Turin pour le carnaval 1788, avec le grand Marchesi, et crée avec lui Ifigenia in Aulide de Cherubini. On l'entend aussi à Saint-Péterbourg. Elle se produit à Milan en 1788 et 1790, et Gênes en 1789. Maria paraît particulièrement souvent à Naples, La Gazzetta urbana veneta commente ainsi sa prestations à Padoue, en 1790 :
La Marchetti, qui est excellente actrice et chante bien, a plu terriblement, et le méritait.
Elle interprète à cette époque plusieurs opéras sur des livrets qui seront en vogue pendant les vingt ans suivants, pages tragiques sur la mort de personnages célèbres, en l'occurrence La Morte di Semiramide (Padoue, Milan) de Nasolini, Prati et Borghi, La Morte di Cesare de Zingarelli (Milan) et La Morte di Cleopatra (Vicence) de Nasolini.
La soprano est ensuite engagée à Prague avec le castrat Bedini, afin de créer La Clemenza di Tito de Mozart en septembre 1791, le livret de Metastasio étant, comme souvent à l'époque, largement revu notamment pour y introduire les rondos qui faisaient le régal du public et permettaient aux premiers chanteurs de déployer leurs talents tragiques et virtuoses. Dès novembre, cependant, on la retrouve à Venise avec le castrat Vitale Damiani.
Elle succède ensuite à la Todi sur les planches de l'opéra de Berlin, dirigé par Reichardt, chantant par exemple Enea e Lavinia de Righini en 1793, avec Babbini, le castrat local Concialini, et la basse Fischer. Le directeur la compare très favorablement à son illustrissime prédécesseure, tant du point de vue vocal que dramatique. Il précise aussi :
Sa voix est peu étendue : le grave sonne rude et terne, et dans l'aigu, elle n'atteint le contre-ut que dans les passages. Pourtant, sa voix est pleine partout ailleurs et parfaitement maîtrisée ; son intonation est assez pure et elle possède l'expression italienne, du moins toutes ses qualités et point trop d'exagérations ; elle chante avec beaucoup de sentiment et, si nécessaire, une agilité considérable, même si ce dernier point lui demande un grand effort... Mais son jeu, sa prestation sont de premier ordre, au point qu'en tant que meilleure actrice des scènes d'opéra, elle est la seule à les posséder.
On l'entend encore à Berlin dans des reprises de Gluck, Naumann, et les opéras de Righini, comme en 1799 Atalanta e Meleagro avec son époux (qu'elle a fait engager avec elle). En 1803, elle participe au dernier opéra de Righini et en 1804, la soprano se produit dans Rosmonda de Reichardt et le Messiah de Haendel revu par Mozart. La prima donna se fait également entendre à Munich. Son dernier rôle est Medea de Naumann, en 1805 : son contrat expire alors et n'est pas renouvelé. Elle donne toutefois encore plusieurs concerts à Berlin ou encore Hambourg (1807), et de nombreuses sources indiquent qu'elle touche encore une pension en 1812, même si la date de son décès demeure inconnue.
La partie de Vitellia est surtout connue pour son étendue, du sol2 au ré5, et globalement la tessiture considérable requise. Mais pressé par le temps Mozart a composé une bonne partie de son opéra sans connaître la voix de sa prima donna et n'aurait pas eu le loisir de retoucher des pages qui cadrent mal avec la vocalité de la Marchetti (le trio Vengo... aspettate de tessiture aiguë, le rondo final qui pourrait avoir été destiné à Josepha Dušek et chanté en concert). Une étude plus précise des partitions écrites pour Maria Marchetti (cf. John Rice) montre que sa tessiture était communément limitée à l'octave sol3 – sol4, avec des plongées jusqu'au sol2 et des vocalises touchant au si4 et exceptionnellement au contre-ut ; le contre-ré de Vitellia est donc étonnant. Techniquement, elle vocalisait aisément, pouvait tenir des notes, triller... Plus que le fameux Non più du fiori, c'est le premier air Deh se piacer mi vuoi, lui composé après l'arrivée de la chanteuse, qui témoigne le plus fidèlement de ses capacités.
Voix puissante adaptée au théâtre, la Marchetti n'était pas faite pour briller dans les salons. Son jeu était intense et elle privilégiait les parties très dramatiques ; Reichardt n'hésite pas à la mettre au dessus de la célébrissime tragédienne lyrique Todi. Maria Marchetti Fantozzi est incontestablement l'une des interprètes les plus en vue des deux dernières décennies du siècle.
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