La cantatrice Margaretha Susanna Kayser est une soprano aux moyens hors du commun.
Elle naît sous le nom de Vogel, chanteur à Hambourg, et épouse le musicien hambourgeois Johann Kayser, joueur de hautbois, en 1706.
Disposant d'une tessiture très longue et d'une virtuosité parfaite, elle succède à Mlle Conradi comme diva de l'opéra de Hambourg, sur la place Gänsemarkt. En 1708, elle débute ainsi dans Antiochus de Graupner (Mirtenia), puis chante Enrico de Mattheson avec Bendeler et le ténor Dreyer.
Elle est cependant engagée à Darmstadt en 1709, où elle s'illustre avec Anna Maria Schober, et crée notamment la Brockes Passion de Telemann en 1715, avec la basse Grünewald et le ténor Knöchel. Quatre ans plus tard, elle participe à la version de Haendel du même poème allemand, mis en musique par les meilleurs musiciens du temps, à Hambourg, où elle chante principalement – malgré encore des prestations à Brunswick. Il faut dire que la cour de Darmstadt est catastrophiquement gérée et que les musiciens ne sont pas payés...
La Kayserin assume les premiers rôles féminins dans toutes sortes d'opéras sur la scène hambourgeoise, où elle s'installe à nouveau en 1717. On lui écrit de redoutables parties sur mesure, comme Die großmütige Tomyris de Keiser pour son retour dans ce théâtre. L'année précédente, elle avait aussi chanté le rôle titre du premier oratorio de Mattheson (Chera), qui l'emploie souvent à la cathédrale : c'est une des premières femmes à chanter dans une église à Hambourg, suivant l'exemple de la brillante Kellner. En concert, elle interprète des pages particulièrement difficiles en 1718. En 1720, elle chante encore dans l'oratorio Das Größte Kind.
Mais sa santé est fragile – c'est l'argument avancé – et la chanteuse refuse parfois de paraître, au point qu'elle quitte Hambourg en 1721 pour se rendre à Copenhague. Retour au bercail en 1723, toujours en haut de l'affiche.
La diva affronte un répertoire plus léger dans Pimpinone de Telemann en 1725, dont elle crée maints autres opéras : Sancio en 1727, Mistervojus en 1730, l'oratorio Seliges Erwägen ou la redoutable Orasia dans Orpheus (1726). Autre compositeur de renom qu'elle sert régulièrement : Keiser. Elle participe comme prima donna à Fredegunda, au pasticcio Der Lächerliche Prinz Jodelet et à la version 1730 de Croesus. En 1732, elle reprend le Poro de Haendel largement adapté, avec uniquement des voix naturelles, ses partenaires réguliers Riemschneider et Westenholz. Elle compte aussi parmi ses rivales la fille du compositeur Reinhard Keiser, Sophia Dorothea Louyse Keiser, qui paraît fréquemment, très jeune, dès 1724, sous le nom de Mlle Kayserin (Margaretha est désignée Mad./Mme Kayserin). Sa propre fille est aussi vocaliste, nommée Sophia Amalia Kayser (née vers 1710). Gare aux confusions ! Son fils Ludwig Gerhard est également chanteur.
Profitant de la disparition de son mari, en fuite après avoir séduit l'épouse d'un officier danois, Margaretha prend la direction de l'opéra à partir de 1729, tentant en vain de redresser la barre d'un théâtre en grandes difficultés, et reste prima donna pendant cette période. La Kayserin collabore activement avec Telemann pour donner des concerts profanes et sacrés. Elle renonce à ses activités de gestionnaire en 1733 (ou 1737 ?), et le théâtre est en faillite en 1738. Le théâtre n'ouvre plus ses portes qu'aux troupes italiennes, surtout celle de Mingotti, qui donnent l'opera seria à partir de 1740, mais la Kayserin n'est plus à l'affiche. La soprano reste active en concert à Hambourg, sans craindre de paraître avec la diva Regina Mingotti, par exemple dans le pasticcio de Scalabrini et al. Il Tempio di Melpomene (en italien et allemand) en 1747. Sa dernière prestation connue est dans la Bürgerkapitänmusik de Telemann en 1749.
Les sources divergent quant à la suite de sa vie : pour certaines, elle intègre la troupe itinérante de Mingotti pour se rendre au Danemark et de là, s'installe à Stockholm quelques années plus tard. Au siècle suivant, le chroniqueur Dahlgren évoque une Elisabeth Keijserin, septuagénaire (vers 1772), dont il situe les origines à Dresde (à la suite de Choron, Fétis et Sainsbury, qui se citent mutuellement) et à qui il attribue pas moins de 23 enfants, dont celui du roi ! Cette Keijserin aurait en effet eu une liaison avec le roi Fredrik Ier, et vivrait alors d'une pension en conservant le titre de Kunglig Hofsångerska (chanteuse de la cour royale). Compte tenu de l'âge de cette Kayserin, et malgré les inexactitudes qu'on peut pointer chez Dahlgren, il est possible qu'il s'agisse d'une autre personne que Margaretha (voire d'une invention totale), sans exclure qu'il s'agisse bien d'elle. D'autres sources postulent que Margaretha termine ses jours au Danemark avec une de ses filles, Charlotte Christine.
Très agile sur près de deux octaves et demi, suraigu compris, Kayser a laissé des rôles d'une grande difficulté vocale et d'une intensité dramatique remarquable. Sa palette de personnages est tout aussi impressionnante, entre les soubrettes pétillantes, les souveraines redoutables et les fidèles amantes.
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