On connaît bien peu de choses de Giulia Frasi avant son arrivée à Londres pour 1742-43, engagée au King's Theatre, à part qu'elle étudia avec le compositeur Giuseppe Brivio. On la retrouve néanmoins à Modène en 1742 dans le Tito vespasiano de Hasse.
La soprano débute à Londres dans le pasticcio Gianguir, et participe à de très nombreuses productions d'opéra italien pendant près de vingt ans, comme prima donna ou généralement à un rang inférieur, selon la qualité de ses collègues : elle n'est que Timagene en 1746 dans Alessandro nell'Indie de Lampugnani avec Monticelli et les sœurs Imer. Elle s'efface aussi devant la Casarini, la Mingotti ou Colomba Mattei. En revanche, Frasi incarne Emirena dans Adriano in Siria de Ciampi en 1750 avec Guadagni et Filippo Laschi ; elle est aussi Antigona dans la reprise d'Admeto de Haendel en 1754, avec la Visconti et le ténor Albuzzi. En 1758, elle campe le rôle titre d'Issipile de Ciampi. Durant cette longue période, Giulia Frasi finit par se tourner vers Charles Burney, auprès duquel elle étudie.
Cette soprano est aussi l'une des interprètes les plus régulières de Haendel alors que celui-ci ne se consacre plus qu'à l'oratorio. Elle crée plusieurs rôles principaux tout en reprenant d'anciennes partitions :
en 1750, elle participe à la reprise de Saul et du Messiah (encore donné avec elle jusqu'en 1759) ; en 1754, elle reprend le rôle titre de Deborah ;
en 1756, c'est Josabeth dans Athalia qu'elle incarne, etc. Si elle débute dans les rôles secondaires, c'est ensuite les protagonistes qu'Haendel lui confie, par exemple dans Samson où elle chante la femme israëlite puis Dalila.
Ses créations au milieu d'une multitude de reprises sont le rôle titre de Susanna ainsi que la fille de Pharaon, la première prostituée et la reine de Sabah dans Solomon en 1749, avec les habituels Galli, Reinhold et Lowe. La protagoniste de Theodora reste sans doute sa création la plus poignante, en 1750. Elle partage la première avec le castrat contralto Guadagni. En 1752, elle incarne aussi la première Iphise dans Jephtha avec Beard, et cinq ans plus tard The Triumph of Time and Truth, à propos duquel la participation de Haendel est mise en doute.
Enfin, la cantatrice participe très régulièrement à des concerts de charité ou au bénéfice des autres artistes. On l'entend apparemment jusqu'en 1772, même si sa participation aux saisons du King's Theatre n'est plus continue après 1762.
Sans doute dotée de moyens loin d'être exceptionnels, la voix douce et claire bien que très centrale, Giulia Frasi sut néanmoins s'imposer à Londres et s'attacher l'affection du public anglais pourtant amateur de rossignolades, et l'assentiment de Haendel. Les rôles qu'il lui compose sont d'une sensibilité bouleversante et d'une belle expressivité. Son style était du reste particulièrement souple, puisqu'au cours de ses innombrables prestations, Frasi chanta Haendel, Gluck, le style d'héritage vénitien de Galuppi, les napolitains historiques et galants comme Porpora, Pergolesi, Lampugnani, Hasse, et même la musique anglaise de Smith ou Arne.
Incontestablement l'une des figures musicales importantes du Londres des années 1740 et 1750. |