La jeune soprano italienne (française ?) a eu la chance ou le flair d'arriver en Angleterre alors que l'opéra italien n'y a pas encore pris pied. De grands chanteurs, comme le castrat Grossi dit Siface, s'y sont déjà produits en concert, mais il semble qu'aucun vocaliste italien ne s'y soit longuement installé, avec un grand succès : c'est Margherita de L'Epine qui inaugure une longue liste de musiciens de talent venus du continent pour enchanter Londres. En Italie, on a sa trace en tête de distribution de L'Oracolo in sogno donné à Venise et Mantoue en 1700, où l'on repère également la jeune Durastanti.
La capitale, donc, où elle est présente à partir de 1692. La soprano commence par chanter en concert puis dans les pièces anglaises, masques et opéras, confrontée à la solide animosité de la diva Catherine Tofts. Celle-ci envoie sa bonne lancer des oranges sur sa rivale italienne à Drury Lane, le 5 février 1704 ! Un des auteurs de ces pièces est Pepush, qui devient ensuite son époux. Margherita de L'Epine chante également au palais royal, par exemple en 1706. Cette même année voit la production de Camilla, traduction anglaise de l'immense succès de G. Bononcini créé dix ans auparavant et régulièrement repris depuis.
Le castrat Valentino Urbani rejoint la diva, donnant avec elle le pasticcio Thomyris, queen of Scythia (avec des musiques d'A. Scarlatti, G. Bononcini, Steffani, F. Gasparini). D'autres pasticci suivent jusqu'à Almahide en 1710, dont la soprano campe encore le rôle titre, et qui constitue le premier opéra entièrement italien donné à Londres, au Queen's Theatre. Le castrat Nicolino, meilleur du genre à l'époque, a rejoint le capitale et participe à cette production. Margherita de L'Epine commence à voir arriver de plus en plus de rivales d'importance : Isabelle Girardeau et la Pilotti créent ainsi le très fameux Rinaldo de Haendel sans De L'Epine. Cette dernière incarne cependant Goffredo lors de la reprise de 1712.
La musique anglaise tente de maintenir quelques ambitions face à ce succès des Italiens, et Galliard donne Calypso and Telemachus dont la contralto Barbier et De L'Epine tiennent les rôles principaux. Mais la saison 1712-13 est marquée par les recherches de Haendel dans le domaine italien ; là encore Mlle De L'Epine est mise à contribution comme première chanteuse face à la fulminante Pilotti, dans Il Pastor fido puis Teseo – et très probablement Silla. La cantatrice se présente dans tous les théâtres de Londres ainsi qu'en concert pendant les années qui suivent, chantant les pages italiennes dont le pasticcio Arminio très inspiré de F. Gasparini, mais aussi les œuvres anglaises comme Venus and Adonis de Pepush.
La Margherita renonce à la scène l'année de son mariage avec ce compositeur, en 1718. Elle termine ses jours à Londres.
Une scène de répétition de Pirro e Demetrio avec Nicolino ?
Le rôle d'Agilea et le succès qu'elle rencontre dans des opéras comme Camilla dénotent un talent dramatique certain et une voix remarquable : elle y affronte des pages d'une belle virtuosité comme M'adora l'idol mio.
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