Anna De Amicis, l'une des meilleures sopranos de l'histoire, est issue d'une famille de musiciens. Ses deux parents sont chanteurs et se produisent régulièrement dans le genre buffo à Naples, et sa sœur Marianna comme son frère Gaetano deviennent également chanteurs.
Elle débute assez tôt en troupe avec ses parents dans La Calamità dei cuori de Galuppi à Bologne. Elle poursuit en chantant dans des opéras bouffes à Paris, Amsterdam (1761 puis 1763), Bruxelles, en Italie, en Irlande : Anna chante La Creanza de Zingoni en 1762. Le tournant de sa carrière vient avec la création des opéras Orione et Zanaida de J. C. Bach au King's Theatre de Londres, en 1763 : elle reste dès lors fidèle au genre serio où sa vocalité virtuose peut s'épanouir.
Anna De Amicis est d'emblée adoubée comme prima donna et retourne en Italie où elle chante sur toutes les plus grandes scènes dès 1764, à commencer par Milan dans Achille in Sciro de Monza. De Amicis est à Vienne en 1764-65 à l’occasion du mariage de l’archiduc Léopold ; elle crée L'Olimpiade de Gassmann puis Romolo ed Ersilia de Hasse sur un livret de Metastase, et finit couverte de fleurs. La reconnaissance est donc européenne !
La De Amicis partage surtout sa carrière entre Milan, Naples et Venise. Elle interprète Mysliveček, Anfossi, Galuppi, Guglielmi et autres avec les partenaires les plus prestigieux à l'image de Guadagni, Aprile, Elisabeth Teyber, Pacchierotti, Cortoni etc. C’est dans Armida Abbandonata de Jommelli en 1770 à Naples que Mozart découvre sa future prima donna.
En effet, c'est elle qui est engagée à Milan en 1772 alors que le Salzbourgeois reçoit la commande de Lucio Silla. Léopold et Wolfgang, à l’occasion de cette collaboration, se pâment : « Dans son grand air [Ah se il crudel periglio], Wolfgang lui a donné des passages très nouveaux et d’une difficulté insensée ; elle chante merveilleusement et nous sommes aussi amis que possible avec elle », puis « La De Amicis est notre meilleure amie ; elle chante et joue comme un ange. » Le succès de l'opéra et particulièrement de la soprano est considérable, avec le castrat Rauzzini. C'est au San Carlo de Naples qu'elle chante le plus entre 1773 et 1776, notamment dans Adriano in Siria d'Insaguine et Ezio de Mysliveček.
Elle touche à la fin de sa carrière et après avoir chanté à Turin (Gengis-Kan d'Anfossi, Miserere de Jommelli etc.), Anna De Amicis part à Bologne et participe à la première en Italie de l’Alceste de Gluck, ce qui implique vraisemblablement des libertés avec la partition… Son cachet est encore mirobolant, mais elle choisit de se retirer à Naples, où elle vit paisiblement avec son époux et son frère qui a épousé la sœur Buonsolazzi. Anna se produit encore occasionnellement en privé et à la cour.
Son art fut unanimement admiré, même de la sévère Sarah Goudar, et les partitions qui nous restent témoignent de ses capacités techniques et de ses spécificités : Burney, un des témoins les plus renommés et sévères de la vie musicale de l’époque, affirme qu’elle fut la première à introduire dans son chant les staccate colorature (vocalises en notes piquées). Effectivement, on retrouve ces figures dans l’Armida abbandonata de Jommelli (Odio, furor, dispetto), reprises par Mozart (Parto, m’affretto dans Lucio Silla).
Ces figures en notes piquées seront la marque de fabrique des sopranos aiguës de l’époque, et permettent d’atteindre des notes élevées sans avoir à les tenir ou les pousser en force, ce qui respecte l’esthétique belcantiste. Mozart, par exemple, reproduit ces éléments virtuoses dans des airs de concerts (il fait travailler Parto, m’affretto à sa chère élève Aloysia Weber), ou pour la Bernasconi dans Mitridate (Nel grave tormento), sans oublier la reine de la nuit. Anna De Amicis avait une voix étendue jusqu'au contre-mi. Contrairement à nombre de ses collègues et devancières, aucun ragot ni anecdote concernant ses caprices n'a circulé. |