Née Danzi à Mannheim, Franzisca grandit dans l’un des centres musicaux les plus importants de son époque, au sein d’une famille d’artistes employés à la cour ; son frère Franz Danzi devient d’ailleurs un compositeur réputé.
La jeune soprano étudie le chant avec les artistes locaux, non des moindres, parmi lesquels la diva allemande Dorothea Wendling. En outre, l’abbé Vogler lui enseigne la composition. À seize ans, Francisca débute dans La contadina in corte de Sacchini à Schwetzingen en 1772, qui lui vaut un engagement à Mannheim. Elle interprète des rôles d'importance, comme Parthenia dans l’Alceste de Schweitzer, ou Günther von Schwarzburg d’Holzbauer en 1777, avec le plus grand ténor du siècle, Anton Raff, et la fabuleuse basse Ludwig Fisher ; il s’agit d’un jalon important de l’histoire de l’opéra en langue allemande. On l'entend aussi dans le répertoire léger, comme L'Amore artigiano de Gassmann, avec le ténor local Carnoli et les divas Allegranti et D. Wendling.
Au début de 1777, Franziska se produit plusieurs fois au concert spirituel à Paris, où Marie-Antoinette vient l’écouter. On admire ses prestations et ses capacités à improviser un air sur une symphonie concertante. Sa carrière se poursuit à Londres, centre musical incontournable à la fin du XVIIIe. Le Journal étranger commente :
Rien de plus étonnant que l'étendue de la voix de la Dlle Danzi, si on étoit enthousiasmé des petits cris aigus de la Signora Aguïari, lorsqu'elle passait la portée ordinaire de sa voix, combien doit-on être admirablement surpris d'entre une voix naturelle & agréable, passer de cinq tons, cette portée la plus étendue, avec une justesse étonnante & la netteté la plus incompréhensible. [...] nous pouvons annoncer qu'après quelques années de séjour dans une aussi parfaite école [l'Italie], la Dlle Danzi sera la plus étonnante cantatrîce qui ait jamais été entendue ; son âge de dix-neuf ans [recte : 21 ans], sa figure qui est très agréable, & vraiment théâtrale, & son jeu dans lequel nous avons découvert de grandes dispositions, doivent faire croire aussi qu'avec du travail, elle peut devenir une excellent Actrice.
Elle épouse en 1778 le hautboïste virtuose Ludwig August Lebrun, également compositeur. Tous deux se produisent souvent en concert, mêlant avec art voix et instrument. Au King's Theatre, elle chante avec le ténor Adamberger et le castrat Roncaglia, créant notamment Erifile de Sacchini. Le couple se produit encore dans la capitale entre 1779 et 1781, et participe notamment à un concert de gala au bénéfice du célèbrissime castrat Pacchierotti, avec qui elle interprète des extraits de L’Olimpiade mis en musique par divers compositeurs, soirée décrite dans le détail par Susan Burney. Le peintre T. Gainsborough réalise un portrait de la soprano en 1780, année où l’on publie des sonates dont elle est l’auteure.
Autre prestation mémorable : la Danzi-Lebrun prend part à l’ouverture triomphale de la Scala avec la Balducci, dans l’Europa Riconosciuta de Salieri à l’été 1778, où elle interprète la reine Semele, puis participe aux autres productions de la saison, toujours avec Balducci et/ou le castrat Rubinelli. Les deux sopranos rivalisent dans le registre suraigu et l’agilité, leurs principales qualités. De là commencent ses succès italiens, sans oublier des retours Paris (en concert), Londres... Parmi ses prestations sur la Péninsule, citons la reprise napolitaine de Giulio Sabino de Sarti, avec Roncaglia (avec lequel elle paraît très souvent), le castrat Monanni et le ténor David, en 1786-87 ; la troupe créé Pirro de Paisiello, grand succès de l'époque. Mais c'est à Munich qu'elle et son époux retournent à partir de 1782, donnant Tancredi (Holzbauer, 1783), Armida abbandonata (Prati, 1785) et Castore e Polluce (Vogler, 1786), entre des prestations à Vicence, Lucques, Padoue, Vérone et Florence.
En 1789, elle est invitée par Reichardt à Berlin pour remplacer la Todi, mais son époux décède subitement, coup dont elle ne pourra se remettre malgré le soutien de son public de toujours à Mannheim, où Carl Theodor lui assure de quoi subsister. Elle suit son mari dans la mort en 1791.
Francisca Danzi-Lebrun se distinguait principalement par son arrogante virtuosité, avec un chant plus instrumental que dramatique – Charles Burney dénonce ce trait et en accuse l'époux hautboïste de la soprano. De fait, la diva exigeait de chaque compositeur qu’il composât pour elle et son époux : dans chaque opéra, elle interprétait une aria virtuose avec hautbois obligé, que ce soit Quando irato freme dans Europa (Salieri), Mi sento Oh Dio! nel core de L’Olimpiade (Cimarosa), Der glänzende Himmel de Günther von Schwarzburg (Holzbauer), Infelice invan m'affanno dans La Clemenza di Scipione ( J. C. Bach) et Perfida sorte irata d'Il Pirro (Paisiello). Ces pages quasi interchangeables développent de longues coloratures pour le hautbois et la soprano, en écho ou à l’unisson, et la voix s’offre de fréquentes incursions dans le suraigu, prompte à donner le contre-fa. Le public savait bien qu’il s’agissait d’une interprétation « conjugale », et raffolait de ce genre d’effet. Mozart entend Elisabeth Wendling dans la reprise de Günther, mais note que le rôle est trop haut pour elle. Outre sa beauté, ceux qui l’entendent font l’éloge de son agilité parfaite et de son suraigu facile et bien timbré jusqu’au la5. En revanche la voix était un peu légère dans les morceaux plus lents et centraux et son interprétation bien extérieure.
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