Née à Malaga, Lorenza Correa baigne dès son enfance dans le milieu théâtral : ses parents José Correa et Petronila Morales sont acteurs à Madrid. Sa sœur Laureana est également cantatrice de renom. C'est donc probablement en Espagne qu'elle grandit, même si son père semble d'origine portugaise.
Il semble qu'elle paraisse sur les planches dès 1786 à Barcelone, encore enfant, puis l'années suivante à Madrid. Sa prestation est saluée dans El Correo de l'année : elle chante dès lors en concert et surtout dans d'innombrables tonadillas espagnoles, c'est-à-dire de petites pièces musicales plus ou moins élaborées, en interlude à des pièces de théâtre, comme Las pruebas de la virtud en 1788. Plusieurs séries de concerts sont signalés par la suite, mais ce sont les chanteurs de la troupe italienne qui tiennent le haut du pavé, même s'ils les Espagnoles se mêlent parfois à eux en concert ; il faut dire qu'une simple tonadillera devait vaincre certaines préventions pour se hisser dans un répertoire plus prestigieux. Il est ainsi possible qu'elle ait participé au Ritorno di Tobia de Haydn en 1788. Elle paraît également à Barcelone. Lorenza est engagée au teatro de la Cruz en 1792 et donne par exemple La fingida enferma por amor de Melchor Ronzi (1797) ou encore Los Contrabandistas et La Clementina de Boccherini (1799). Elle est Susanna dans Le Nozze di Figaro pour la première locale de l'opéra en 1802. On l'entend en 1804 dans Atalia, musiques de Garcia sur la pièce de Racine, où elle interprète un rondo. La même année, Lorenza doit rejoindre le teatro de los caños del Peral, où s'illustrent le directeur et fameux ténor Manuel Garcia ainsi que sa petite sœur Laureana : on lui a en effet proposé un salaire plus conséquent. Mais le théâtre de la Cruz proteste, et Lorenza finit par prendre le large avec son époux M. Garcia Parra (à ne pas confondre avec le ténor), avec lequel elle s'était mariée une dizaine d'années plus tôt.
La soprano entame alors une carrière brillante de prima donna seria (sans complètement délaisser les pages sentimentales plus légères). Elle paraît en France en concert (l'Allegemeine musikalische Zeitung en fait un commentaire enthousiaste, notamment d'une scène de Righini) et gagne l'Italie pour se produire dès la fin de l'année à Turin, dans l'Armida de Haydn et Sofonisba de Federici. L'année suivante, elle participe à une pièce de circonstance de Paisiello, avec le castrat Vellutti. Après un passage à Livourne, c'est sur la scène du San Carlo qu'elle brille, dans des pièces de Nasolini, Zingarelli, Cimarosa, De Santis, Andreozzi, Farinelli etc... Elle partage la scène avec le ténor Crivelli et le castrat Velluti, notamment, jusqu'à Aristodemo de Pavesi en 1807. Elle passe alors à Venise pour deux saisons, toujours interprète privilégiée de l'opéra séria, avant de retrouver Turin en 1809-1810, avec Nozzari et la contralto Malanotte.
En 1810, Correa retrouve Garcia à Paris, au théâtre des Italiens, où elle débute dans La Vedova cappricciosa de Guglielmi, mais ne remporte pas le succès escompté.
La soprano paraît ensuite à Milan, cette fois-ci dans des comédies comme I Pretendenti delusi de G. Mosca, mais aussi des pièces sérieuses dont Aureliano in Palmira du jeune Rossini, en 1813, et des opéras de Mayr, etc. Elle reprend aussi la Zerline de Mozart ou la Rosine de Paisiello. On l'entend encore à Turin, Milan, comme dans La Chiarina de G. Farinelli, en 1816. En 1818-19, la soprano rentre à Madrid pour y répandre la ferveur rossinienne.
En 1831, Lorenza Correa reçoit une pension de la couronne d'Espagne. Elle avait pourtant tout fait pour éviter de se rendre à Madrid, où elle était convoquée en 1815, avec le retour à la monarchie et à une administration des spectacles très stricte et contraignante envers les artistes. Elle retourne sans doute en Espagne au cours des années 1820, cependant.
Dans sa Vie de Rossini, Stendhal la décrit avec enthousiasme comme « une des plus belles voix de femme qui aient paru depuis quarante ans ». Dans ses Voyages en Italie, il la juge « égale, si ce n'est supérieure à la Catalani ». Sa renommée était déjà suffisamment importante en Espagne pour que Goya en laisse un beau portrait, peint vers 1800 et conservé au Louvre. Elle est l'une des meilleures cantatrices du tournant du siècle, brillante virtuose assurément. La partition du Merope de Nasolini qu'elle interprète à Naples en 1806 est hérissée d'ornements suraigus, dans le goût de la fin du XVIIIe siècle.
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