Antonia Wagele voit le jour à Stuttgart. Lorsque son père décède, sa mère épouse le compositeur Bernasconi, maître de chapelle à la cour de Munich. Ce dernier donne des leçons de chant à sa belle-fille, qui adopte son nom pour la scène.
C'est donc dans la cour de Bavière qu'Andrea Bernasconi fait débuter sa protégée avec une de ses œuvres, Temistocle, en 1762.
Pour la saison 1765-66, la soprano est engagée dans la troupe de l'opéra à Vienne, où elle chante le répertoire bouffe, essentiellement. En 1767, toutefois, Gluck la préfère à Elisabeth Teyber pour créer son Alceste, rôle dramatique témoignant de moyens peu communs. Dès l'année suivante, elle fait la connaissance de Mozart, qui songeait peut-être à elle pour créer Ninetta dans La Finta Semplice, avant que la production ne tombe à l'eau.
La Bernasconi est ensuite réputée dans toute l'Italie, au point d'être la première chanteuse des meilleures scènes, comme à Milan, en 1770, ce qui lui vaut de chanter Aspasia dans Mitridate du jeune Mozart. Dubitative et poussée par Quirino Gasparini à imposer ses airs, elle est finalement enchantée des diverses pages que le compositeur de quatorze ans lui a réservées, qui mettent en valeur sa large palette technique et dramatique.
Elle chante également à Venise, au San Benedetto, dans Adriano in Siria de Sacchini, ou encore Andromaca de Bertoni. De 1772 à 1775, elle est prima donna à Naples, et s'illustre avec Aprile puis Tenducci dans La Clemenza di Tito d'Anfossi, et celle de son maître Bernasconi, ou encore une version révisée d'Orfeo de Gluck (Amore). Elle participe en outre aux cantates et serenate de circonstances, notamment de Mysliveček. La Bernasconi a également l'occasion de faire montre de son bouillant caractère, n'hésitant pas à en venir aux mains avec sa seconda donna, en dehors de la scène.
Pour la saison 1778-79, la soprano se rend à Londres en remplacement de la Danzi-Lebrun, très appréciée du public. Avec le sublime Pacchierotti, elle chante un pasticcio sur Demofoonte, et crée l'Artaserse de Bertoni puis Enea e Lavinia de Sacchini. Cependant, comme le note alors Burney, elle est déjà sur le déclin, malgré l'élégance de son chant. Étonnamment, pour une prima donna seria, elle renoue avec le genre léger, par exemple dans La Contadina in corte de Sacchini avec la basse Rovedino et le ténor Trebbi.
En 1781, ses protecteurs et amis la rappellent à Vienne, où elle jouit encore d'un certain crédit. Son idée consiste à donner en allemand les tragédies lyriques de son fidèle Gluck. Elle chante donc Ifigenie auf Tauris au Burgtheater, avant de reprendre Alceste, dans l'original italien cependant... Ces productions eclipsent le projet de Mozart de monter une version allemande de son Idomeneo, avec Bernasconi, Fischer dans le rôle titre et le ténor Adamberger, probablement en Idamante. La soprano s'était pourtant déclarée intéressée, selon une lettre de Wolfgang à son père. Dès l'été 1781, le compositeur n'est toutefois pas tendre avec la cantatrice :
Il est certain qu'on l'a joliment imposée à l'empereur [...] C'est vrai que dans les grands rôles tragiques elle demeure La Bernasconi, mais dans les œuvres légères, elle ne vaut rien [...] Et puis – elle l'avoue elle-même –, elle est plus Italienne qu'Allemande. Elle parle viennois sur scène comme dans la vie courante – imaginez ! [...] Quant à son chant ! Il est maintenant si mauvais que personne ne veut plus écrire pour elle.
Et encore :
La Bernasconi [...] chante tous ses airs un bon comma trop haut [...]
Elle participe toutefois à certaines productions bouffes (Demogorgone de Righini), avec les sopranos Laschi et Coltellini, notamment pendant l'indisposition de Storace, selon Kelly, ce qui nous amène jusqu'en 1785. Sa présence est encore attestée à Plaisance et Lucques en 1786. Après plus de vingt ans de carrière, elle prend sa retraite quelque temps plus tard.
Hiller la cite parmi les chanteuses « encore aujourd'hui capables de maintenir l'honneur et la dignité de leur art », avec Gabrielli, Agujari, E. Teyber, Girelli, C. Schindler et De Amicis. La comparaison d'Alceste et d'Aspasia laisse songeur, sur les moyens de la chanteuse comme sur la distribution de ces rôles de nos jours. Même si Gluck a privilégié la dimension dramatique de la voix de Bernasconi, celle-ci était parfaitement rompue aux plus hautes exigences virtuoses, capable d'escalader en notes piquées jusqu'au suraigu à la De Amicis (Nel grave tormento), et de creuser de beaux graves (Pallid' ombre). |