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Brigida BANTI

1755 – 1806

Aussi [-Giorgi] [Brigida Giorgi-Banti]

Native de Monticelli d'Ongina près de Crema, Brigida accompagne son père Jacopo dans ses pérégrinations de musicien de rue : très jeune et sans la moindre éducation musicale, elle chante pour les passants. Cette approche instinctive et spontanée du chant lui reste apparemment toute sa vie et fait partie de sa légende.

Brigida BantiC'est à Paris, où son père l'a emmenée, qu'a lieu une rencontre décisive. Selon le récit du fils de la Banti, le compositeur Sacchini la repère et la fait travailler pour la produire en privé puis en concert. Une autre version veut que ce soit le directeur de l'opéra qui l'entende dans les rues et lui fasse chanter un air entre deux actes d'Iphigénie en Aulide. Quoi qu'il en soit, la chanteuse a alors déjà une vingtaine d'années, un physique agréable et des moyens absolument extraordinaires : la beauté de son timbre, sa facilité dans la vocalise et la longueur incroyable d'une voix pourtant parfaitement homogène font d'elle un phénomène admiré. Le ténor Pierre Garat écrit à Martin, de l'opéra :
Quelle expression ! Quelle âme ! et surtout quelle voix ! C'est une étendue, une sonorité qui tiennent du prodige, c'est un charme qu'on ne peut définir. J'ai entendu bien des cantatrices dans ma vie, je n'en connais point pour qui la nature ait été si prodigue.
Entre 1777 et 1780, Brigida se rend à Londres où elle chante en concert au Pantheon Theatre, mais pas à l'opéra. Elle rencontre le danseur et chorégraphe Zaccaria Banti, qu'elle accompagne jusqu'à Amsterdam où le couple se marie. C'est en Italie que le succès devient plus vif, après un passage à Vienne. Son peu d'éducation musicale est compensé par ses dons exceptionnels. Elle chante à Florence puis Venise en 1782-83, avec Attalo de Sarti, Piramo e Tisbe de Bianchi accompagnée de Rubinelli et du ténor Mombelli. Turin la réclame, où elle chante notamment Bacco e Arianna de Tarchi avec Antonio Pini et Crescentini. L'engouement du public lui vaut un nouvel engagement vénitien en 1784-85, cette fois avec Pacchierotti et Babbini, dans Alessandro nell'Indie de Bianchi. Pendant les années qui suivent, la nouvelle étoile du chant italien brille à Turin, Venise, Milan et surtout Naples participant à Fedra de Paisiello (1788), La Vendetta di Nino de Bianchi (1790), Antigona de Winter (1791) entre autres ouvrages de Guglielmi, Ristori, Mysliveček, Sacchini ou Tarchi et maints partenaires de renom. La soprano se rend à Varsovie en 1790, s'arrêtant encore à Vienne : partout on l'admire et la couvre de présents ; Joseph II la nomme « première chanteuse d'Europe ». En 1792, avant de se produire à Bologne dans Zenobia in Palmira de Paisiello, ce qui lui vaut d'être nommée citoyenne d'honneur, la Banti participe à l'inauguration historique de la Fenice de Venise dans I Giuochi di Agrigento du même avec Pacchierotti, Giacomo David et Marianna Sessi. Elle continue chanter dans le nouveau théâtre pour la première saison, dans deux opéras de Bianchi et l'Ines de Castro de Giordani.
Sa carrière européenne prend un nouvel essor : après quelques prestations à Madrid en 1793, où elle chante Zenobia in Palmira d'Anfossi, la Banti quitte un public italien qui la vénère pour rejoindre Londres, où le délire qu'elle déclenche dépasse encore celui de la Péninsule. Le King's Theatre se concentre alors sur l'opéra bouffe et peine à recruter des chanteurs de renom pour le serio : le castrat Bruni et le ténor Davide n'ont pas pu être engagés, finalement. C'est donc uniquement sur le nom de Banti qu'on donne le seul opéra sérieux de la saison en 1794, la Semiramide de Bianchi. Le personnage de Sémiramis est un véhicule connu pour les grandes cantatrices du siècle, dans la version métastasienne mais aussi des moutures plus modernes, dont Mara et surtout Banti et Catalani font leur miel. Bien que mal accompagnée, sans ténor – la basse Rovedino assure le rang –, la Banti stupéfie le public. Elle gagne encore en popularité en chantant God Save the King et La Serva padrona, avant d'être concurrencée sur le terrain du buffo par une grande spécialiste du genre, Anna Morichelli-Bosello. Les cantatrices seront confrontées pendant quelque temps, mais c'est bien la Banti qui demeure le centre d'intérêt durant huit saisons consécutives, faisant d'elle une idole des Londoniens. Lord Mount Edgecumbe, qui a pourtant entendu de nombreuses cantatrices, s'émerveille bien entendu des moyens incroyables de la chanteuse à la voix parfaite, si étendue dans le grave et le suraigu, et précise :
[...] chez elle le génie suppléait à la science ; dotée d'une oreille infaillible et d'un goût exquis, elle chantait avec plus d'effet, plus d'expression, et une maîtrise apparente supérieure à beaucoup de professeurs plus savants. [...] Dans sa jeunesse, elle atteignait les notes les plus aiguës et disposait d'une agilité telle qu'elle se consacrait essentiellement à la bravura dans lequel elle excellait et n'avait pas d'égale ; ayant perdu quelques notes dans le registre supérieur et développé son goût pour le cantabile, c'est dans ce nouveau genre qu'elle chantait le plus souvent, se révélant encore supérieure à toutes.
Brigida BantiLe lord confie d'ailleurs le rôle titre de son opéra Zenobia in Palmira à la Banti, en 1800 ! Ce talent dramatique est reconnu par Haydn qui lui écrit la Scena di Berenice pour un concert en 1795. Parmi les prestations marquantes de ces années à Londres, citons Alceste de Gluck en 1795, Zenobia in Palmira d'Anfossi (1795), Aci e Galatea (1795) puis Merope (1797) de Bianchi, ce dernier sur un livret de Da Ponte qui traduit aussi Iphigénie en Tauride de Gluck (1796), Merope de Nasolini (1799) avec la Billington... Cette dernière cantatrice est la nouvelle coqueluche du public ; une diva chasse l'autre et comme Banti avait chassé Mara, la Billington s'impose et provoque le départ de l'Italienne.

Celle-ci retrouve sa patrie. Admise à l'Accademia Filarmonica de Bologne en 1802, elle chante à Venise, Brescia et Livourne l'année suivante dans Ines de Castro de Trento. La Banti est à Milan pour les célébrations du couronnement de Napoléon comme roi d'Italie, avec Marchesi et Crivelli : Federici et d'autres la jugent alors sur un déclin irrémédiable. Appauvrie et rongée par la maladie, elle ne peut plus assurer les engagements suivants et décède à Bologne en 1806.
Da Ponte l'évoque abondamment dans la partie londonienne de ses mémoires : il raconte ses problèmes d'argent, la décrit sévèrement alcoolique et d'une grande spontanéité, pour le meilleur et pour le pire. La relation intime de la Banti avec Taylor, directeur de l'opéra, lui assure cependant une position favorable. Au décès de la cantatrice, Fétis raconte qu'une autopsie révèle un larynx anormalement large : ceci expliquerait les dimensions et l'étendue exceptionnelle de sa voix, ajouté au développement remarquable de sa cage thoracique. Tous les commentateurs s'accordent à voir en elle une interprète fascinante, pure magie de la voix, facilité surnaturelle, présence admirable : le mythe de la Banti exalte les fascinations d'une voix brute et sublime affranchie de toute culture, déclenchant une admiration aussi instinctive et purement sensible (sensorielle) que son chant. Il y a là quelques points communs avec la légende de la Catalani, et ces virtuoses d'école XVIIIe vont ici vibrer une fibre quasi romantique.


Extrait du très virtuose Son regina e sono amante écrit par Anfossi pour Banti (1788)

Fedra Aricia G. Paisiello 1788 Naples
  Version adaptée : A.M. Dell'Oste, orchestre et chœur du Teatro Bellini de Catane dir. J. Corréas – CD Dynamic 2016
Zenobia in Palmira Zenobia G. Paisiello 1790 Naples
  R. Savoia, orchestre du San Carlo dir. F. Ommassini – CD Bongiovanni, Naples, 2016
I Giuochi di Agrigento Aspasia G. Paisiello 1792 Venise
  L. Martorana, orchestra internazionale d'Italia dir. G.B. Rigon – CD Dynamic
Scena di Berenice Berenice J. Haydn 1795 Londres
  Enregistrement au choix