Une des aînées parmi les nombreuses filles de la célèbre basse romaine Francesco Baglioni, Clementina devient une soprano de renom, essentiellement dans le genre bouffe.
Elle accompagne son père dans ses voyages, et commence à chanter avec lui au cours des années 1750. C’est en particulier dans les œuvres de Goldoni et Galuppi que la famille est réputée : ainsi Clementina crée-t-elle Lesbina dans Il Filosofo di campagna en1754, à Venise. Cependant, ses talents ne la cantonnent pas au genre bouffe : Clementina est seconda donna à Turin en 1759, avec la Gabrielli, Ottani et Elisi. Elle chante dans La Clemenza di Tito du fidèle Galuppi, Enea nel Lazio de Traetta. À Naples, elle chante même Marzia dans le Catone in Utica de J. C. Bach, en 1761.
Pour la saison 1761-62, les Baglioni débarquent à Londres, et donne leur grand succès au King’s Theatre : Il Filosofo di campagna. La basse Carattoli, partenaire fidèle, est bien sûr venu avec eux.
La saison suivante, la voici à Vienne, pour chanter Larissa dans Il Trionfo di Clelia de Hasse au Burgtheater. Elle retourne en Italie où elle épouse le chanteur bouffe Domenico Poggi. Le couple est engagé pour chanter l’opéra bouffe qui prend alors le pas sur le genre serio dans la Vienne de 1766. Ils restent au service de l’empereur jusqu’en 1775, même si Clementina rentre en Italie honorer certains engagements. Ainsi, en 1768, Clementina est à Livourne pour chanter L’Amore artigiano de Gassmann, sur un livret de Goldoni. Elle partage alors la scène non plus avec son père, mais avec le grand Benucci.
Sa capacité à chanter dans l’opera seria témoigne de hautes capacités vocales ; même dans le genre bouffe, cette aptitude est pleinement exploitée, et on lui attribue souvent des rôles héroïques requérant une grande agilité. C’est le cas de Vénus que Gassmann lui destine dans Amore e Psiche (œuvre sérieuse où s’illustre E. Teyber et Rauzzini), ou de Salieri dans l’Artemia de Le Donne litterate. On suppose également que c’est elle qui devait créer Rosina dans La Finta Semplice de Mozart à Vienne, une œuvre finalement donnée à Salzbourg.
Sonnenfels, commentateur des scènes viennoises, loue la virtuosité et la grâce du chant de Clementina, ainsi que la sincérité touchante de ses accents. En revanche, il la juge très insuffisante pour ce qui est du jeu, fait étonnant pour une actrice rompue au genre buffo ; cela pourrait expliquer pourquoi ses rôles tendent vers le serio. Ces capacités sont exploitées pleinement lors des concerts de la Tonkünslter-Sozietät de 1772 à 1774, où elle se produit avec ses sœurs et son époux, très probablement dans La Betulia liberata inaugurale de Gassmann, et l’Ester de Dittersdorf. Sa présence est attestée dans la reprise de Sant’Elena al calvario de Hasse.
Burney entend de nouveau la cantatrice à Vienne, après l’avoir entendue à Italie en 1770, chantant dans Il Barone di rocca antica de Salieri (on attribue parfois néanmoins ce commentaire à Costanza) :
Elle s’est beaucoup améliorée depuis que je l’ai vue, et sa voix est l’une des plus claires, justes, puissantes et étendues que j’aie jamais entendues. […] Il y avait une telle rondeur et une telle dignité dans chacune de ses notes que tout ce qu’elle faisait captait l’intérêt […].
C’est une chanteuse jeune, avec un physique plaisant, un embonpoint charmant, en un mot une belle personne.
Il note surtout la perfection de son portamento, le placement de sa voix et son large ambitus tendu du sib2 au contre-ré, au moins. Cette capacité à chanter sur de grands écarts et la propension de Clementina pour la virtuosité semblent parfaitement correspondre à l’air Son qual lacera tartana de La Secchia rapita de 1772, écrit par Salieri, ou encore à Vi sono sposa de La Fiera di Venezia. Elle pourrait bien avoir participé à L'Opera seria de Gassmann, savoureuse parodie de 1769 : elle possède toutes les caractéristiques de Stonatrilla.
De retour en Italie après l’épisode viennois, Clementina chante notamment à Livourne en 1778 avec son époux, dans La Vendemmia et La Vera Costanza de Gazzaniga. En 1779-80, elle réjoint ses sœurs à l'Académie royale de musique à Paris, avec le ténor Viganoni.
Elle se produit également à Regensburg en fin de carrière. |