Vittoria Tesi |
1701 – 1775 |
dite La Moretta |
Aussi [-Tramontini] |
La Tesi naît à Florence avec un siècle dont elle devient l'une des chanteuses les plus remarquables. Son père est apparemment laquais du castrat Francesco De Castris, favori du duc de Médicis ! Quoi qu'il en soit, c'est le castrat accompagné de la soprano Tarquini, sommités musicales florentines, qui tiennent Vittoria sur les fonts baptismaux : excellent parrainage pour une musicienne. Vittoria serait métisse, et se distingue en tout cas par une carnation foncée, ce qui lui vaut le surnom de moretta (petite Maure).
Ses études commencent auprès de Redi dans sa ville natale, et se poursuivent à Bologne avec le célébrissime Bernacchi, héritier de la tradition de Pistocchi. Elle ne se distingue pas franchement pas sa beauté et son charme, mais dispose d'une puissante voix de contralto, d'une profondeur rare avec une timbre particulièrement sombre.
Elle épouse pourtant un certain Giacomo Tramontani, neveu d'un joaillier vénitien (et non simple barbier ou boulanger, comme l'histoire l'a parfois retenu. La romance qu'on a voulu imaginer entre une certaine Vittoria et Haendel à l'époque de Rodrigo en 1707 ne peut en aucun cas concerner la Tesi, comme cela a pu être avancé.
Elle a seize ans quand elle paraît sur les planches de Parme dans une Dafne où chante aussi Cuzzoni. La Tesi se produit également à Florence, Mantoue, et Venise, où elle est déjà créditée du titre de virtuosa di camera de Florence. Avec sa voix hors du commun, elle campe souvent des rôles masculins, comme Claudio dans Lucio Papirio d'Orlandini en 1718.
Elle part immédiatement pour Dresde rejoindre les excellentes équipes réunies pour l'inauguration de l'opéra et le mariage du prince-électeur : elle chante Giove in Argo puis Teofane de Lotti en 1719, avec Senesino, la Coralli, Santa Stella, Durastanti, Boschi etc. La Tesi ne s'éternise pas en Allemagne, et rentre briller sur les scènes italiennes.
La contralto s'impose comme une figure de tout premier plan dans tout le pays, et se produit avec la fine fleur des vocalistes. En 1725 à Naples, elle chante Marc'Antonio dans une cantata a due de Hasse face à la Cleopatra de Farinelli. En 1729, elle est à Milan avec Caffarelli pour Eurene de Predieri ; à Turin en 1731 pour Catone in Utica de Hasse avec Farinelli et Bilanzoni ; Naples en 1732 pour Demetrio de Leo, avec la Peruzzi, Amorevoli, Marianino.
La Tesi est également l'une des premières à imposer certaines figures métastasiennes en Italie, notamment avec le rôle titre d'Achille in Sciro, écrit pour elle par Sarro avec une distribution étincelante pour l'inauguration du San Carlo de Naples en 1737. La Tesi incarne Achille déguisé en femme, puis guerrier convaincu, ambiguïtés multiples qui convenaient au genre de l'époque et à la voix mâle de la Tesi. La même saison, elle est Arbace dans la reprise d'Artaserse de Leo, ou encore Megacle pour le même : c'est elle le primo uomo de chaque opéra. Outre les rôles d'homme, la Tesi se fait une spécialité des héroïnes viriles, femmes de pouvoir déguisées en homme comme la Semiramide riconosciuta (pour Hasse, Gluck, Porta...), ou Emira dans Siroe (pour G. Scarlatti, Porta, Hasse...) etc.
De 1739 à 1740, au sommet de sa gloire, la contralto est conviée à Madrid où elle se produit avec rien moins que Caffarelli. Une prestation à Francfort étant annulée, la Moretta est au San Giovanni Grisostomo de Venise et chante notamment l'Ipermestra d'un jeune compositeur, Gluck. À Gênes, elle paraît dans la Merope de Perez.
Vittoria Tesi se rend à Vienne en 1748, ville où elle retrouve Gluck. C'est là qu'elle crée sa Semiramide riconosciuta. Metastasio, poète impérial depuis le début des années 1730, rapporte la stupéfaction que suscite la chanteuse dans Achille in Sciro et Didone abbandonata de Jommelli, et la trouve « rajeunie de vingt ans ». Elle est cependant à la fin de sa carrière, et ne paraît plus guère sur scène après 1750. Elle chante encore souvent en concert, par exemple des pièces de Bonno, et Le Cinesi de Gluck en 1754, avec les autres chanteurs de la cour. La Tesi se consacre également à l'enseignement, et compte parmi ses élèves les très illustres sopranos Francesca Gabrielli, Anna De Amicis et Elisabeth Teyber – des rumeurs indiquent même que cette dernière serait sa fille naturelle. Une certaine Caterina Raimondi paraît à Vienne ou en Italie sous le nom de « Tesi nuova », hommage de la nouvelle cantatrice à la légende vivante : contralto de talent équivalent ou élève de Vittoria ?
Vittoria caricaturée à gauche par Zanetti (lui même croqué à droite)
La Tesi possédait certainement une voix exceptionnelle, en étendue comme en couleur ; on dit qu'elle avait l'habitude, à Dresde, de chanter des airs de basse transposés d'une octave. Ces dons étaient exploités au mieux par une musicalité et une intelligence rares, ainsi qu'un jeu et un charisme prenants. En revanche, les rôles écrits pour elle n'exige pas de longs traits de virtuosité, mais plutôt une variété d'accents, dans l'adagio ou dans de vigoureux allegri, soulignant invariablement la profondeur de son grave sonore. Quantz célèbre ainsi en 1725 « son magnifique timbre grave ». Alors que les contraltos peinent parfois à obtenir des rôles de premier plan au fur et à mesure que le siècle avance et que les voix tendent vers l'aigu, Tesi est célébrée comme l'une des toutes premières tragédiennes lyriques du XVIIIe. Hiller, dans son traité, la juge supérieure à toutes les autres chanteuses de son époque.
Tesi est citée dans les mémoires de Casanova, et dans le Consuelo de George Sand, comme féroce rivale de l'héroïne désireuse de préserver ses prérogatives à Vienne. |
Teofane |
Matilda |
A. Lotti |
1717 |
Dresde |
|
T.K. Lampi, dir. R. Goebel – captation de représentations à St Gallen, 2000 |
La Gara degli Dei |
Marte |
J.D. Heinichen |
1719 |
Dresde |
|
A. Markert, Orchestre Carl Philip Emanuel Bach dir. H. Haenchen – retransmission de concert, Berlin 2003. Attribution incertaine. |
Flavio Crispo |
Fausta |
J.D. Heinichen |
1719 |
Dresde |
|
A. Vissentin, Il Gusto Barocco – Stuttgarter Barockorchester dir. J. Halubeck – CD CPO 2018. Attribution incertaine |
Astianatte |
Andromaca |
L. Vinci |
1725 |
Naples |
> duetto Luci care |
S. Prina, Verdi barocca dir. R. Jais – vidéo de concert, Milan 2013 |
Marc'Antonio e Cleopatra |
Marc'Antonio |
J.A. Hasse |
1725 |
Naples |
|
Enregistrement au choix |
Il Medo |
Enotea |
L. Vinci |
1728 |
Parme |
> trio Sento scherzar
|
T. Wey, Bach Consort Wien, dir. R. Dubrovsky – Pace e Guerra – Arias for Bernacchi, CD DHM 2017 |
Il Tigrane |
Cleopatra |
J.A. Hasse |
1729 |
Naples |
> airs Vuoi ch'io t'oda * Che gran pena * Strappami pure il seno * Degl'Elisi alle campagne * Presso al onde d'Acheronte |
I. Bayrakdarian, Kansas City Symphony dir. C. Orbelian – The Other Cleopatra, queen of Armenia - Il Tigrane arias, CD Delos 2020 |
Siroe |
Emira |
J.A. Hasse |
1733 |
Bologne |
> air Vedeste mai sul prato |
Inclus dans Bajazet de Vivaldi. D. Daniels, Europa galante dir. F. Biondi – CD Virgin Veritas
S. Mingardo, Concerto italiano dir. R. Alessandrini – retransmission de concert |
Achille in Sciro |
Achille |
D. Sarro |
1737 |
Naples |
|
G. Martellacci, orchestre international d'Italie dir. F. Sardelli – CD Dynamics
Sans récitatifs, quelques coupes : S. Prina, orchestre du San Carlo dir. A. De Marchi – retransmission de concert, Naples 2016 |
L'Olimpiade |
Megacle |
L. Leo |
1737 |
Naples |
|
Sans récitatifs, version abrégée : G. Petrone, orchestre du San Carlo dir. G. Marcianò – retransmission de concert, Naples 2017 |
Demetrio |
Alceste |
L. Leo et al. |
1738 |
Bologne |
> air Dal suo gentil sembiante |
M.E. Cencic, Il Pomo d'oro dir. M. Emelyanychev – Arie napoletane, CD Decca 2015 |
Semiramide riconosciuta [2] |
Semiramide |
N. Porpora |
1739 |
Naples |
> air Il pastor se torna aprile
> air Tradita sprezzata |
G. Nicotra, ensemble Arcadia in musica dir. M. Carraro – CD Kicco Classics
Mélange avec la version de 1729 : D. Galou, Accademia bizantina dir. S. Montanari – retransmission de concert, Beaune, 2011
Enregistrement au choix
N. Stutzmann, Orfeo 55 – Contralto, CD Erato 2020 |
Il Farnace |
Berenice |
F. Corselli |
1739 |
Madrid |
> air Da quel ferro |
M. Infante, La capilla real de Madrid dir. O. Gershensohn – Francesco Corselli, Ceremonias reales, CD Verso 2011 |
Statira |
Statira |
N. Porpora |
1742 |
Venise |
> air Mira d'entrambi il ciglio |
N. Stutzmann, Orfeo 55 – Contralto, CD Erato 2020 |
Semiramide riconosciuta |
Semiramide |
C.W. Gluck |
1748 |
Vienne |
> air Fuggi dagl'occhi miei
> air Tradita, sprezzata |
A. Bonitatibus, Accademia degli Astrusi dir. F. Ferri – La Signora regale, CD Deutsche harmonia mundi 2014
S. Prina, laBarocca dir. R. Jais – Heroes in love, CD Glossa 2017 |
Siroe |
Emira |
G.C. Wagenseil |
1748 |
Vienne |
> air Esci crudel d'affanno |
L. Zazzo, Lautten Compagney dir. W. Katschner – Baroque gender stories, CD DHM 2019 |
Achille in Sciro |
Achille |
N. Jommelli |
1749 |
Vienne |
> scène II-7 |
Scène transposée : B. Brewer, dir. R. Weikert – retransmission de représentation du pasticcio Porporino, Aix-en-Provence, 1979 |
Le Cinesi |
Lisinga |
C.W. Gluck |
1754 |
Vienne |
|
G. Banditelli, Scola cantorum basiliensis dir. R. Jacobs – CD Deutsche Harmonia Mundi |
Cantate Mesta, o dio |
– |
L. Vinci |
? |
|
|
Version transposée ? E. Galli, Stile galante dir. S. Aresi – Fileno soprano cantatas, CD Pan classics 2012 |
|