Le père de cette cantatrice, Nikolaus Adam Strungk, est un musicien actif entre les cours de Hanovre, Celle et Brunsvick-Wolfenbüttel. C'est toutefois à Leipzig, dès la naissance de l'opéra localement, que la famille Strungk exerce une influence incroyable. Il faut dire que les Strungk sont nombreux : N. A. et son épouse Christine ont pas moins de cinq filles et cinq fils. Chose étonnante pour l'époque, ce sont les filles qui joueront toutes un rôle à l'opéra de Leipzig, de diverses manières.
Ainsi, l'aînée Dorothea Maria (née en 1666), ensuite épouse Brauns, s'impose comme gestionnaire de la maison. Viennent ensuite Elisabeth Catharine, puis Maria Anna (1670), également contralto et épouse du ténor de l'opéra de Leipzig Andreas Luther. Ensuite paraît Catharine Dorothea (1672), ensuite épouse Lachs, traductrice et librettiste des opéras présentés. La cadette (1677) Philippine Strungk devient aussi cantatrice, comme soprano, et même prima donna de l'opéra de Leipzig au moins en 1704-05. Philippine permet aux Strungk de nouer des liens avec une autre dynastie de musiciens : les Döbricht. Elle épouse Samuel Emmanuel, falsettiste employé à Leipzig et frère de quatre sopranos, dont au moins les trois principales paraissent sur les scènes de Leipzig.
Il est difficile de retracer parfaitement la carrière locale des Strungk (et des Döbricht), car les livrets n'indiquent les distributions qu'occasionnellement à partir de 1704, bien souvent sans préciser les prénoms.
On sait toutefois que l'Alceste de N. A. Strungk, qui ouvre la première saison de 1693, est confiée à l'épouse du librettiste, Anna Catharina Thymich. Dans le rôle d'Antigone paraît toutefois une fille Strungk, possiblement Elisabeth Catharine. De même, lors de la saison 1698, on reprend Die Lybische Talestri de Krieger et Cadmus avec une Jungfer Döbricht (de Weimar) et deux demoiselles Strungk, dont probablement notre contralto. Elle semble en effet s'imposer comme l'une des plus remarquables vocalistes du lot, même si Philippine s'arroge des premiers rôles. Elisabeth Catharine Strungk assume le rôle très lourd d'Agrippine dans Germanicus de Telemann, repris sur maintes autres scènes et joué en diverses versions y compris lors de reprises à Leipzig entre 1704 et 1710. La basse Grünewald endosse sans doute une partie de la paternité de certaines versions, et chante le rôle titre. Au moins deux sœurs Döbricht partagent l'affiche. La contralto s'illustre dans Der lachende Demokritus de Telemann en 1703 et incarne Cassiopée dans Perseus und Andromeda en 1704, avec la basse Bendeler. En 1709, Elisabeth Strungk chante aussi dans un Æneas – Philippine et son époux s'occupent alors de diriger le théâtre.
La carrière de la contralto semble assez longue puisque Christian Lehms, dans une anthologie des chanteuses actives en Allemagne en 1715, signale la Strunckin, devenue célèbre à Leipzig. Son nom côtoie ainsi celui des remarquables Pauline Kellner, Margaretha Susanna Kayser ou encore Anna Maria Schober. |