Ambrosina est une pensionnaire de l'ospedale de la Pietà : c'est donc une enfant abandonnée, sans nom. Elle doit développer un talent particulier pour la musique et intègre le chœur, où elle se fait un nom comme Ambrosina dal tenor : sa voix de contralto est si profonde qu'elle peut chanter des parties en clé d'ut4. Un poème sur les figlie de 1730 la célèbre comme un ténor capable de chanter en contralto (c'était plutôt le contraire), vante sa voix sonore et plaisante, son agilité, mais se moque peu élégamment de sa carrure de « veau ».
Elle semble faire partie des plus souvent entendues à cette époque, avec la contralto Albetta et la célèbre Apollonia, ainsi que les sopranos Maria Bolognese, Fortunata et Chiaretta. Il s'agit indéniablement d'une grande période pour cet hospice, dont la qualité est largement vantée en Europe.
Ambrosina interprète Childéric dans Innocentiae triumphus de Porta en 1736. Vivaldi lui destine un solo (Esurientes, riche en la2) dans sa nouvelle version du Magnificat, et sans doute des parties dans d'autres œuvres rattachées à cette époque, où la voix plonge dans le grave, notamment le Beatus vir. Dans la pièce profane Il Coro delle muse, exemple de prestation publique en concert en l'honneur d'un invité de marque, la voici en Calliope.
C'est ensuite au tour de Porpora d'écrire pour la Pietà, quoique brièvement ; il a cependant le temps de destiner un Regina coeli à Ambrosina. Après lui vient Bernasconi, qui laisse des motets pour la contralto. Son Davidis lapsus e poenitentia de 1744, où l'on retrouve Apollonia dans le rôle titre, réunit les mêmes éléments vedettes de l'ospedale : Ambrosina, Maria Bolognese, Albetta, Giulietta, Fortunata, Narcisa, Cristina, Teresa et Margarita. Les compositeurs Lampugnani et Cordans lui écrivent également des motets. Finalement, Ambrosina fait carrière à un moment charnière des hospices vénitiens : elle prête ses talents aux auteurs dans la lignée de la tradition locale, Vivaldi et Porta, mais aussi aux Napolitains plus à la mode, notamment au théâtre, comme Porpora et Bernasconi. |