1673 – 1732

dit Nicolino

Ce castrat né à Naples est l'un des principaux représentants du style napolitain, et l'un des meilleurs castrats de l'histoire. Il étudie auprès du maître local Provenzale, et se produit sur les scènes du théâtre Fiorentini encore tout jeune, comme Armillo dans une reprise de Stellidaura vendicata de son professeur, en 1685. En 1690, il intègre la chapelle vice-royale et le Trésor de San Gennaro, les deux principales formations musicales de la ville. Légèrement plus jeune que le grand Sassano, celui qu'on appelle affectueusement Nicolino est considéré comme le meilleur soprano de la ville.

On l'entend naturellement sur les scènes napolitaines : il chante notamment Pirro e Demetrio (1694) et La Caduta de' Decemviri (1697) d'Alessandro Scarlatti avec la Tarquini et la Musi. Le castrat participe aussi à diverses cantates et serenate du même auteur, au talent reconnu à Naples. Familier du théâtre San Bartolomeo, il y interprète aussi Bononcini, Mancia (Tito Manlio en 1698 avec la Manfredi et l'alto Albarelli). Mais sa réputation gagne toute la Péninsule : en 1699-1700, Nicolino chante à Venise dans des opéras de Ziani avec la soprano Landini, et se produit ensuite à Gênes, Rovigo Florence et régulièrement Venise, sans négliger Naples. Les partitions d'alors sont signées Pollarolo, Aldrovandini, Mancini, Scarlatti, Gasparini et Caldara. Ses collègues sont les ténors Buzzoleni, Antonio Borosini, les sopranos Galerati, Scarabelli, Stella, les castrats Paris, Tamburini, De Grandis...

Entre 1708 et 1712, il effectue un premier séjour à Londres, rejetant au second plan le moins doué Valentino Urbani. Nicolino enflamme la véritable passion des Anglais pour l'opéra italien dans Pirro e Demetrio d'après Scarlatti fin 1708, passion avivée par Idaspe fedele de Mancini (1710), opéra qu'il a lui même rapporté de Naples, puis Rinaldo de Haendel (1711). Les compositeurs les plus prisés sont Gasparini, Bononcini, A. Scarlatti... On loue sa haute virtuosité ainsi que des dons d'acteur qui transportent le public, notamment dans une scène de combat contre un lion – qui ne manque pas d'être brocardée. Ses partenaires sont également appréciés, comme la soprano De L'Epine et la contralto Vanini.
Après de nouvelles prestations en Italie, et bien naturellement à Naples (pas moins de sept opéras !), le castrat revient à Londres entre 1715 et 1717. Il y crée par exemple Amadigi de Haendel, avec la contralto Diana Vico et la fulminante Elisabetta Pilotti, puis le pasticcio Clearte où s'illustre aussi l'excellent Bernacchi.

De retour sur le continent, à Naples (via Venise), il saura se rappeler de son rôle de Renaud, et le reproposer au San Bartolomeo avec la Bulgarelli. Nicolino créé en 1718 un de ses rôles favoris, Arsace de Sarro. Fidèle interprète d'Alessandro Scarlatti, il chante aussi la nouvelle vague de compositeurs napolitains avec Porpora, Leo. On entend Nicolini à Rome en 1720-21. En 1724, il participe avec Bulgarelli à la toute première version de Didone abbandonata de Metastasio, avec la Merighi. Le plus grand librettiste du siècle est visiblement inspiré et lui confie encore des incarnations frappantes : le même livret est repris avec les mêmes acteurs principaux à Venise pour la saison 1725-26, dans une mise en musique d'Albinoni. En 1728, c'est Siroe qui voit le jour à Venise, avec la musique de Porpora, la Facchinelli et la basse Boschi, puis Semiramide rinonosciuta du même (1729) et Artaserse de Hasse (1730). Certaines de ces créations suivent de très près les versions romaines des livrets, et servent à merveille la puissance dramatique du castrat, l'ivresse vocale étant alors confiée au jeune Farinelli. Il avait déjà chanté avec le fabuleux soprano en 1728, par exemple à Florence, dans Arianna e Teseo de Porpora, avec Maddalena Pieri.
Ces nombreuses prestations à Venise marquent un profond changement de style localement. Nicolino retrouve Naples en 1731 (Argene de Leo), et doit chanter la première de Salustia de Pergolesi, mais il décède subitement en cours de répétition ; c'est finalement Gizziello qui vient compléter la distribution.

Mancini, grand théoricien et castrat lui-même, écrit :
Ce virtuose possédait avec tant de perfection le [métier de l'acteur], bien que pauvre d'autre talent, et non pourvu d'une belle voix, qu'il se fit, dans la profession, une place tout à fait originale.
Burney l'estime néanmoins un grand chanteur, même s'il souligne surtout son intelligence dramatique, ce qui le rapproche de la soprano Bulgarelli, et qui est confirmé par Quantz. Sa silhouette ventrue caricaturée à maintes reprises (notamment auprès des divas Cuzzoni et Facchinelli) ne l'empêchait visiblement pas de toucher le public.

Désigné comme soprano, mais plutôt mezzo soprano limité, Nicolino s'apparente à un contralto de plus en plus profond au fil des ans. Pallido il sole, l'un des airs les plus connus de son répertoire, est un bon exemple des moyens du Nicolino de la fin : chant assez syllabique, tassé dans le grave, mais exigeant un grande expressivité. Capable d'affronter des pages ardues techniquement, il restait en effet surtout un chanteur expressif dans la tradition de la fin du XVII^e siècle.