Fruit de la politique romaine en matière culturelle et morale, qui excluait les femmes de la scène pour des raisons de pudeur, le succès du castrat soprano Fontana fut quasi entièrement fondé sur ses rôles travestis : il est la prima donna des théâtres romains pendant toutes les années 1720 ! Il possède une voix et un physique particulièrement adaptés, qui lui gagnent son surnom de « petit papillon ».
Né à Pérouse et élève du fameux Gasparini à Rome, Fontana débute à Foligno dans La costanza in amor vince l'inganno de Caldara, où un tout jeune Fabri, encore soprano, incarne comme Giacinto un rôle féminin. La distribution compte aussi les castrats Baldi et Minelli. En 1710, l'opéra commence à reprendre timidement ses droits dans les théâtres romains après une bonne dizaine d'années d'interdiction, et Fontana accompagne cette résurgence. Il paraît ainsi au théâtre Capranica de Rome dès 1712, pour chanter les rôles bouffes avec le spécialiste du genre, la basse Cavana : le voici en Despina (sic) dans Ataulfo d'Orlandini, où brillent les castrats Archi, Bernacchi et Tollini. Sa popularité ne fait que se confirmer dans les années qui suivent, notamment à Fano avec Francesco Natali, puis constamment à Rome, comme prima donna dans des pages de Gasparini en 1717, ou encore seconda donna dans un Lucio Vero en 1719, avec Ossi et De Grandis. Scarlatti et Gasparini sont au cœur du répertoire. Pilier du théâtre Capranica, Giacinto est omniprésent au premier plan jusqu'en 1724, chantant Scarlatti, Vivali, Micheli, Orlandini... Il paraît à Pérouse puis s'illustre au Teatro delle Dame jusqu'à la fin de la décennie.
Alors que le jeune Métastase est à Rome, objet d’une attention sans cesse croissante, Farfallino est naturellement appelé à incarner certaines des plus grandes tragédiennes du librettiste, dans les compositions de Vinci : Marzia de Catone in Utica (1728), Semiramide riconosciuta (1729), Mandane d’Artaserse et Cleofide dans Alessandro nell’Indie (1730), etc. Il interprète également les opéras romains d'autres compositeurs d'école napolitaine comme Feo, Auletta, Porpora. De plus, Farfallino accompagne les castrats de la chapelle pontificale lors de représentations d’oratorios, par exemple Caldara, dans les palais romains. Mais c'est le castrat du pape qui chante sur le plus dans les théâtres, fréquentant des étoiles lyriques comme Carestini, Scalzi, Barbieri, Minelli, Gizzi, Berenstadt, Pinacci, Fabri, Babbi, etc. Sa popularité ne se dément pas jusqu’au début des années 1730, où il interprète Araja et Sarro au Teatro Argentina. Il chante encore avec les jeunes Caffarelli et Amadori dans Nerone de Duni en 1735 : c'est le dernier livret où son nom est imprimé. On sait que Montesquieu a l’occasion d’entendre Farfallino à Rome.
Son allure gracieuse ne l’empêche pas d’avoir un solide caractère : il manque de se battre avec l’un de ses partenaires lors de la production de Didone abandonnata de Vinci, où il incarne évidemment la reine de Carthage. La Bulgarelli, célèbre titulaire du rôle, aurait conseillé le castrat sur la gestuelle féminine.
Ses rôles sont composés sur environ deux octaves, sur lesquelles le castrat fait preuve d’une souplesse certaine à défaut d'une grande virtuosité.
C'est dans sa ville natale de Pérouse que Fontana finit ses jours, en 1739. |