Crescentini est originaire d'Urbino et suit l'enseignement de Lorenzo Gibelli à Bologne, pédagogue renommé.
Lorsqu'il se présente à Rome, âgé seulement de seize ans, il incarne les jeunes filles dans l'opéra bouffe, comme Livia dans L'Italiana in Londra de Cimarosa avec Bussani. En 1782, le castrat est déjà primo uomo à Livourne dans Adriano in Siria de Cherubini, avec Domenico Bedini et le ténor Babbini, et se produit aussi à Padoue dans Didone abbandonata de Sarti. On l'entend ensuite à Venise pour de nombreuses productions jusqu'en 1784 ainsi qu'à Turin pour Bacco ed Arianna de Tarchi avec Brigida Banti.
Il passe par Londres mais n'y reste que six mois, plaisant peu ; une renommée flatteuse ne se répand pas moins dans toute l'Europe à propos du nouvel Orfeo italiano. Le principal théâtre de ses prestations demeure l'Italie, sur les plus grandes scènes : Milan en 1785-86 ; Turin en 1786-87 pour Volodimiro de Cimarosa avec la Morichelli ; Naples entre 1787 et 1789, notamment dans Fedra de Paisiello, régulièrement avec la Banti, Angelo Monanni et Giacomo David ; Padoue puis Bologne entre 1790 et 1791. Au service du roi des deux Siciles d'après les livrets imprimés, il chante entre Rome et Venise pendant deux années, et reprend à la Fenice l'opéra qui l'a inauguré deux ans auparavant, I Giuochi di Agrigento de Paisiello, dans le rôle créé par Pacchierotti.
C'est l'époque des rôles les plus mémorables de sa carrière et de la plus fameuse collaboration avec la meilleure tragédienne lyrique du moment, Giuseppina Grassini : en 1796, les deux chanteurs sont à Naples pour la création du Giulietta e Romeo de Zingarelli, qui reçoit un fabuleux triomphe. En décembre, Grassini et Crescentini sont à Venise pour Gli Orazi e i Curiazi de Cimarosa, où là encore le public leur réserve un accueil historique. Ces deux opéras deviennent instantanément les favoris du moment au fil des innombrables reprises, qui échappent bien vite aux créateurs. Les femmes s'attribuent les rôles créés par Crescentini alors que les castrats se font rares, amorçant sérieusement la vogue du grand contralto en travesti si bien exploitée par Rossini. La Pasta elle-même, diva romantique par excellence, donnera une interprétation mémorable de Romeo. Le castrat qui compose élégamment insère un air de sa plume dans l'opéra de Zingarelli intitulé Ombra adorata aspetta, page qui s'impose comme un tube incroyable circulant largement en Europe – à la fureur, dit-on, de l'auteur du reste de la musique ; la paternité de l'air est cependant discutée.
Le véritable essor européen vient en 1798, alors que le castrat est abondamment fêté pour ses glorieuses créations de Zingarelli, Cimarosa mais aussi Mayr, Alessandri, Tarchi ou encore Guglielmi. Il est convié à Lisbonne où, pendant cinq années, il brille sur les scènes du Real Theatro de São Carlos. Crescentini reprend divers opéras donnés en Italie dont le classique Giulio Sabino de Sarti et des partitions de Cafaro, Cimarosa, etc. ; il crée aussi les œuvres de Portogallo dont La Morte di Semiramide en 1801 dans lequel s'illustre une nouvelle recrue phénoménale, Angelica Catalani.
Le soprano finit par quitter le Portugal et paraît de nouveau à la Scala en 1803 dans La Vergine del sole de Mayr, avant d'inaugurer le nouveau théâtre municipal de Plaisance dans le Zamori du même auteur. Napoléon, qui l'a entendu à Milan et adore la musique italienne, invite le castrat à Paris où il retrouve la contralto Grassini. Le castrat participe aux festivités du sacre impérial et débute aux Tuileries dans l'inusable Giulietta e Romeo, qui sera repris en 1812. Grassini et Crescentini créent Pimmalione de Cherubini et redonnent évidemment les Horaces de Cimarosa.
La carrière scénique du soprano s'achève en 1812 ; il se retire alors à Bologne et prend la direction de l'école de chant et du théâtre. Comme enseignant, il passe également par Naples où il forme l'immense rossinienne Isabella Colbran et se fixe à Rome où il termine ses jours en 1846. Le dernier castrat s'est alors retiré des scènes depuis longtemps, et Verdi commence à triompher : le bel canto n'est plus qu'un souvenir et c'est l'un des ultimes héritiers de l'âge d'or qui s'éteint avec Crescentini.
Contemporain du virtuose d'exception Luigi Marchesi, Crescentini incarne plutôt l'idéal d'un pathétisme adapté au genre tendre alors en vogue, dans la lignée de Guadagni et Pacchierotti. Il n'est pourtant pas incapable d'éclat et d'agilité, le final de l'acte II des Horaces le montre assez. Autre trait propre aux grands vocalistes dont le castrat n'est pas exempt : son orgueil et son attachement à des prérogatives admises depuis fort longtemps. Une célèbre anecdote rapportée par Castil-Blaze en fait l'écho : alors qu'il doit incarner Curiazo aux Tuileries dans quelques minutes, Crescentini s'avise du costume de son ténor et rival à la scène, apparemment plus brillant et richement orné. Il impose à tous qu'on échange les costumes et donne son rôle dans la tenue du camp opposée, qui plus est trop courte pour lui, en dépit de toute vraisemblance et du simple bon sens. Ses talents étaient sans doute à la hauteur de tels caprices, et Fétis rend hommage à « la suavité de ses accents, à la force de son expression [...], à la largeur de son phrasé. »
Crescentini pédagogue et compositeur laisse un certain nombre d'opus, et l'air Sento mancarmi l'anima se laisse entendre avec plaisir. |