Gaetano MAJORANO |
1710 – 1783 |
dit Caffarelli |
Aussi [Cafarelli] [Caffarello] [Caffariello] [Gaffarelli] [Majorana] [Cafarellino] |
C'est près de Bari que l'un des plus sérieux rivaux de Farinelli voit le jour. Contrairement à ce légendaire collègue, l'histoire a retenu de Caffarelli certes une voix exceptionnelle, mais aussi un caractère impossible et nombre d'anecdotes reflétant ses caprices.
Un certain Cafaro (qui n'est pas le compositeur du même nom) le prend sous son aile et lui apprend le chant avant de l'envoyer subir la castration. Majorano tire son surnom de ce premier formateur, mais c'est auprès de Porpora, premier maître de chant de son temps et également professeur de Farinelli que le jeune soprano apprend les secrets et la technique qui le propulsent parmi l'élite : il semble que Porpora ait particulièrement apprécié le castrat puisque la légende lui fait dire « Va, mon fils. Je n'ai plus rien à t'apprendre. Tu es le premier chanteur d'Italie et du monde. »
Comme nombre de ses collègues, Majorano débute jeune puisqu'il incarne Alvida dans Valdemaro – chanté par le contralto Berenstadt – de Sarro à l'âge de seize ans, à Rome. Il y reste deux ans, mais de premières frasques amoureuses le poussent à quitter la ville pour Turin puis Venise : il y chante notamment dans Nerina de Pollarolo avec Teresa Peruzzi. Le castrat passe ensuite par Milan puis glane des succès dans les académies turinoises en 1729. L'année suivante, il est de retour à Rome, déjà reconnu comme un prodige et sert les œuvres de son maîtres Porpora : il crée ainsi Mitridate et Siface puis la saison suivante Pirro dans Cajo Fabrizio de Hasse puis Germanico de Porpora après un passage à Pistoia, Gênes et surtout Milan. C'est dans cette dernière cité qu'il croise Goldoni, qui évoque dans ses mémoires la pénible lecture publique de son drame avec Caffarelli dans l'assistance :
j'annonce le titre d'Amalasunte ; Caffarelli chante le mot Amalasunte ; il est long et lui paraît ridicule : tout le monde rit, je ne ris pas [...] Comment, reprit-il, vous faîtes ouvrir la scène par le premier acteur alors que tout le monde vient, s'assoit et fait du bruit ? Pardi ! Monsieur, je ne serai pas votre homme...
En 1732, Caffarelli fait incontestablement partie de la fine fleur des vocalistes italiens et partage la scène avec la Cuzzoni, la Tesi, Amorevoli, Babbi, Marianino, Anna Peruzzi, etc. à Venise, Milan et Bologne. L'année suivante marque la confrontation de Caffarelli avec Farinelli dans Siroe de Hasse à Bologne avec Tesi et Peruzzi. Les castrats se retrouvent l'année suivante dans le célèbre Merope de Giacomelli et Berenice d'Araja à Venise avec Facchinelli le ténor Tolve.
En 1734, Caffarelli s'installe durablement à Naples, ville dans laquelle il s'illustrera particulièrement. Après Il Castello d'Atlante de Leo et quelques prestations à l'étranger, Caffarelli est primo uomo assoluto dans nombre d'opéras, entouré des meilleurs chanteurs du moment. Sa position locale se renforce lorsqu'il parvient à remplacer le vieux Matteuccio à la chapelle royale.
Caffarelli est alors invité à Londres par l'impresario de la compagnie de Haendel, Heidegger : il faut un castrat de ce calibre pour concurrencer Farinelli présent dans la troupe rivale, et endiguer la désaffection d'un public lassé par l'opera seria. Entouré de la Francesina, de Margherita Chimenti, Montagnana et Antonia Merighi, le soprano chante dans Faramondo, le pasticcio Alessandro severo et Serse de Haendel ainsi que La Conquista del vello d'oro de Pescetti et Partenio de Veracini pour la saison 1738-39. Fidèle à son caractère, Caffarelli se rend néanmoins insupportable sans parvenir à surpasser Farinelli, et rentre à Naples après cette unique année londonienne.
Le soprano est toujours plus impétueux et pousse ses protecteurs à bout : il se bat en pleine église, perturbe ses collègues sur scène... On cherche même à le remplacer par le talentueux Gizziello, dont la douceur et la modestie sont à la mesure des prétentions de Caffarelli, mais le soprano décline l'offre prudemment. Caffarelli se produit peu hors de la cité parthénopéenne, si l'on excepte Rome en 1735 pour Nerone de Duni (avec Amadori, Farfallino), ou encore Madrid en 1739 pour les noces royales dans Farnace de Corselli, et Florence en 1747 dans Cajo Fabricio de Caldara. À Naples, il sert particulièrement les compositeurs Leonardo Leo, Latilla, Porpora, Hasse, Sarro, Perez puis Galuppi, Traetta, Manna, Jommelli, Cocchi... Parmi ses plus fidèles partenaires se trouve la fameuse Giovanna Astrua. À partir de 1747, il voyage de nouveau régulièrement entre Naples, Florence, Rome, Lucques... Vienne a le privilège d'accueillir le sublime chanteur en 1749, mais si son caractère est toujours aussi détestable, son soprano est déjà sur le déclin : Metastasio installé à la cour impériale se fait l'écho des démêlés du castrat, et notamment une rixe entre Caffarelli et le poète Migliavacca, interrompue par la Tesi, dans une lettre à la princesse Belmonte :
le forcené Caffarelli, fasciné et apaisé au paroxysme de sa fureur par une délicatesse si imprévue, court avec transport à sa rencontre, dépose son glaive à ses pieds, demande pardon pour son écart de conduite et, lui sacrifiant sa vengeance, dépose mille baisers sur ses mains, en signe d'obéissance et de respect.
Malgré l'usure des moyens et une paresse envahissante, Caffarelli est encore capable de se montrer à la hauteur de sa réputation, lorsqu'il daigne faire quelques efforts. La Clemenza di Tito de Gluck de 1752 montre assez l'ampleur de ses capacités ! Il se distingue particulièrement à Paris en 1753 alors que le roi l'invite pour divertir la dauphine Marie-Josèphe de Saxe pendant sa grossesse. Caffarelli est aussi convié à Lisbonne en 1755 pour l'inauguration du nouvel opéra du Taje, où il chante Alessandro nell' Indie de Perez et échappe miraculeusement au tremblement de terre qui détruit la ville. Le castrat se produit encore à Madrid avant de rentrer en Italie où ses prestations sont sérieusement espacées. Il chante encore occasionnellement au San Carlo, par exemple en 1763 dans Il Trionfo di Clelia de Hasse.
Installé à Naples ou dans une luxueuse villa des Pouilles ornée de l'inscription Amphion Thebas, ego domum [Amphion construisit Thèbes, moi cette maison] bien vite complétée par un plaisantin ille cum, tu sine [Lui en avait, toi non], Caffarelli achève sa vie paisiblement.
Le castrat marque surtout les esprits comme un fabuleux chanteur dans la bravura – c'est sur ce point qu'il l'emporte sur Gizziello lors d'une confrontation. Les airs qui nous restent marquent une préférence pour les longs traits et les écarts vocaux vertigineux sur plus de deux octaves (Sul mio cor de Farnaspe de Pergolesi), les tessitures tendues jusqu'au contre-ré. Mais le répertoire retient aussi de merveilleux airs cantabile comme Se mai senti spirarti sul volto de Gluck, Lieto così talvolta de Farnaspe et surtout le fameux largo [larghetto] de Haendel Ombra mai fu.
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Valdemaro |
Alvida |
D. Sarro |
1726 |
Rome |
> air Un cor che ben ama |
F. Fagioli, Il Pomo d'oro dir. R. Minasi – Arias for Caffarelli, CD Naïve 2013 |
Mitridate [1] |
Laodice |
N. Porpora |
1730 |
Londres |
> air Quel sospirar |
Version mixte : M.L. Martorana, La Officina de li Affetti dir. M. Carraro – retransmission de représentations, Venise 2005
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Siface |
Siface |
N. Porpora |
1730 |
Rome |
> air Come nave in mezzo all' onde * Usignolo sventurato |
C. Bartoli, Il Giardino armonico dir. G. Antonino – Sacrificium, CD Decca 2009 |
Germanico in Germania |
Arminio |
N. Porpora |
1732 |
Rome |
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M.E. Nesi, Cappella cracoviensis dir. J.T. Adamus – CD Decca 2018 |
Cajo fabricio |
Pirro |
J.A. Hasse |
1732 |
Rome |
> airs Se tu non senti * Non ha più pace
> air Non ha più pace
> airs Non ha più pace * Vedrai morir |
S. Kermes, Amici veneziani – Inferno e paradiso, CD Sony 2020
In Dorilla in Tempe, Vivaldi, version 1734. S. Malfi, I Barrocchisti dir. D. Fasolis – CD Naïve 2017
In Caio Fabrizio. Barron, F. London Early Opera dir. B. Cunningham – CD Signum Records 2022 |
Euristeo |
Ormonte |
J.A. Hasse |
1732 |
Venise |
> réc. et air Vede il nocchier |
V. Genaux, Concerto Köln dir. M. Hoffmann – retransmission de concert, Schwetzingen, 2011 |
Siroe [1] |
Medarse |
J.A. Hasse |
1733 |
Bologne |
> air Fra l'orror della tempesta
* Ebbe da te la vita
> air Torrente cresciuto |
F. Fagioli, Il Pomo d'oro dir. R. Minasi – Arias for Caffarelli, CD Naïve 2013
A. Raunig, Concilium Musicum Wien – Arno Raunig singt Kastratenarien, CD |
Merope |
Trasimede |
G. Giacomelli |
1734 |
Venise |
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V. Berjanskaïa, La Cetra Barockorchester Basel dir. A. Marcon – retransmission de concert, Amsterdam 2022
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Siface |
Siface |
Sellitto et al. |
1734 |
Naples |
> air Ti parli in seno amore |
Air de Porta ? M.E. Nesi, Armonia atenea dir. G. Petrou – Baroque divas, CD Decca 2015 |
Adriano in Siria |
Farnaspe |
G.B. Pergolesi |
1734 |
Naples |
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Enregistrement au choix |
Demofoonte |
Timante |
Leo/Mancini/Sarro |
1735 |
Naples |
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Version en suédois, tronquée. K. Blixt, dir. M. Tatlow – retransmission de représentations, Vadstena, 2005 |
Alessandro severo |
Alessandro |
G.F. Haendel |
1738 |
Londres |
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M.E. Nesi, Armonia atenea dir. G. Petrou – CD CPO 2011 |
Faramondo |
Faramondo |
G.F. Haendel |
1738 |
Londres |
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M.E. Cencic, I Barocchisti dir. D. Fasolis – CD Virgin veritas 2009 |
Serse |
Serse |
G.F. Haendel |
1738 |
Londres |
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Enregistrement au choix |
Il Farnace |
Farnace |
F. Corselli |
1739 |
Madrid |
> airs Perdona o figlio * Cara destra |
A. Grzywacz, La capilla real de Madrid dir. O. Gershensohn – Francesco Corselli, Ceremonias reales, CD Verso 2011 |
Semiramide riconosciuta [2] |
Scitalce |
N. Porpora |
1739 |
Naples |
> air Passagier che sulla sponda
> air Vorrei spiegar l'affanno |
Rôlé très abrégé : B. Staskiewicz, Accademia bizantina dir. S. Montanari – retransmission de concert, Beaune, 2011
F. Fagioli, Il Pomo d'oro dir. R. Minasi – Arias for Caffarelli, CD Naïve 2013
F. Fagioli, Academia montis regalis dir. A. De Marchi – Il Maestro, Porpora arias, CD Naïve 2014 |
Demofoonte |
Timante |
L. Leo |
1742 |
Naples |
> airs Sperai vicino il lido * Misero pargoletto |
F. Fagioli, Il Pomo d'oro dir. R. Minasi – Arias for Caffarelli, CD Naïve 2013 |
Andromaca |
Oreste |
L. Leo |
1742 |
Naples |
> air Talor che irato il vento |
D. Hansen, Academia montis regalis dir. A. De Marchi – Rivals, CD Deutsche Harmonia Mundi 2013 |
Il Decebalo |
Flavio |
L. Leo |
1743 |
Naples |
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A. Manzotti, ensemble Romabarocca dir. L. Tozzi – CD Bongiovanni. Attribution incertaine |
Lucio Vero |
Vologeso |
G. Manna |
1745 |
Naples |
> air Cara ti lascio, addio |
F. Fagioli, Il Pomo d'oro dir. R. Minasi – Arias for Caffarelli, CD Naïve 2013 |
Arianna e Teseo |
Teseo |
G. De Majo |
1747 |
Naples |
> air Per trionfar pugnando |
S. Kermes, La Magnifica Comunità – Dramma, CD Sony classical 2012 |
Lucio Papirio Dittatore |
Quinto Fabio |
G. Manna |
1748 |
Rome |
> air Odo il suono di tromba guerriera |
F. Fagioli, Il Pomo d'oro dir. R. Minasi – Arias for Caffarelli, CD Naïve 2013 |
Achille in Sciro [1] |
Ulisse |
N. Jommelli |
1749 |
Vienne |
> scène II-7 |
J. Bowman, dir. R. Weikert – retransmission de représentation du pasticcio Porporino, Aix-en-Provence, 1979 |
Didone abbandonata |
Enea |
G. Manna |
1751 |
Venise |
> A trionfar mi chiama |
M. Lys, ensemble Abchordis dir. A. Buccarella – Vidéo de concert, Utrecht 2019 |
L'Ipermestra |
Linceo |
P. Cafaro |
1751 |
Naples |
> air Rendimi più sereno
> air Gonfio tu vedi il fiume |
F. Fagioli, Il Pomo d'oro dir. R. Minasi – Arias for Caffarelli, CD Naïve 2013
F. Fagioli, Il Pomo d'oro dir. R. Minasi – accessible sur le site d'artiste |
La Clemenza di Tito |
Sesto |
C.W. Gluck |
1752 |
Naples |
> air Se mai senti spirarti sul volto |
R. Milanesi, L'Arte del mondo dir. W. Ehrhardt – CD Deutsche Harmonia Mundi 2014
Enregistrement au choix |
Siroe |
Siroe |
B. Galuppi |
1754 |
Rome |
> air duetto Ah non fuggirmi |
V. Genaux, Lautten Compagney dir. W. Katschner – Baroque gender stories, CD DHM 2019 |
Antigono |
Demetrio |
A. Mazzoni |
1755 |
Lisbonne |
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P. Lucciarini, Orchestra Divino Sospiro dir. E. Onofri – CD Dynamic 2014 |
Récital hommage |
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divers |
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F. Fagioli, Il Pomo d'oro dir. R. Minasi – Arias for Caffarelli, CD Naïve 2013 |
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