Antonio Manna est certainement d'école napolitaine, et se produit essentiellement à Naples où il est membre de la chapelle royale à partir de 1696 (les registres évoquent le clerc Antonio La Manna au tout début) et se voit très apprécié, au même titre que les talentueux Matteuccio, Nicolino ou encore Gizzi.
Manna est aussi engagé à la cour de Vienne où il se produit de 1699 à 1705 avec un salaire remarquable ; présent dans le fastueux Euleo festeggiante de Bononcini avec les castrats Mellini, Speroni et Ballarini en 1799, on l'entend encore en 1711 dans Il Sepolcro nell'orto de Ziani avec les castrats Tollini, Cortona et Orsini. Manna se fait aussi entendre à Rome.
Il participe régulièrement aux pièces de circonstances données dans Naples, comme présumément le bijou haendelien Aci, Galatea e Polifemo en 1708 (en tout cas repris avec Manna en 1711), ou une serenata a tre présentée l'année suivante sur une musique de G. de Bottis à l'occasion de noces, où il incarne Imeneo.
Il chante quatre serenate à Piedimonte en 1711. Une autre pièce d'A. Scarlatti est redonnée en 1713 avec Matteuccio pour le couronnement de Charles III au trône de Hongrie. En 1716, Manna campe Jupiter dans la serenata La Gloria di Primavera, créée par le même auteur pour la naissance de l'archiduc Leopold d'Autriche, dans laquelle on entend également Matteuccio, la Durastanti, le castrat Vitali et le ténor Borghi. Le compositeur lui compose également un rôle (L'Ossequio) dans le prologue de La Virtù trionfante dell'Odio e dell'Amore, pour la même occasion. Certaines cantates de Scarlatti lui sont également destinées. On l'entend beaucoup moins sur les scènes de l'opéra, sans doute en raison de sa qualité d'homme d'Église, mais il participe tout de même au moins à E' più caro il piacer dopo le pene de Fago en 1708.
Manna célèbre ses vingt-cinq ans de carrière au service de la cour de Naples et de Sa Majesté Catholique par une serenata et des feux d'artifice offerts dans sa propre maison en 1723, avec l'inévitable rossignol de Naples, Matteuccio. Il retrouve aussi le personnage de Polyphème dans une nouvelle mise en musique en 1722, avec la Bulgarelli et le castrat Gizzi. En 1723 encore, il accompagne le jeune Farinelli dans Erminia d'A. Scarlatti, décidément son compositeur fétiche. Les brillants Fabri et Pacini sont également à l'affiche.
Les cantates de Scarlatti et Porpora confirment l'aptitude de Manna à parcourir une large tessiture avec d'innombrables sauts d'octaves n'hésitant pas à descendre bien souvent au fa1 voire ré1– notes hélas souvent transposées par les interprètes. En Polyphème, Manna fait démonstration de moyens stupéfiants dans un rôle écrasant, où une large palette d’affects est exprimée, notamment dans le récitatif accompagné final, lorsque le cyclope lance un rocher sur le berger Acis, et bien entendu le virtuose Sibillar gli angui d’Aletto et Fra l’ombre e gli orrori. Dans cette dernière page, la basse balaie sans cesse une tessiture immense, du do1 au la4, soit deux octaves et une quinte parcourue dans une chute vertigineuse en l’espace d’une mesure ! Cette écriture est tout à fait typique de Manna et paraît confirmer l'attribution du rôle. Par ailleurs, il est tout à fait possible que Haendel ait écrit pour lui la cantate Nell'africane selve, d'écriture similaire et qui exige le do1, ainsi qu'Apollo e Dafne.
Un chanteur bouffe porte le même nom un siècle plus tard environ. |