Basse native de la région de Würzburg où il est le fils de l'instituteur Michael Gern, Georg commence par étudier la théologie. C'est en exécutant des pages sacrées qu'il se fait remarquer et entame des études musicales.
Ses débuts officiels ont lieu à Mannheim dans l'opéra allemand de Schweitzer Rosamunde, dans lequel Minna Brandes s'illustre également. Le vieux ténor Raaff lui fournit des cours de chant, et Georg épouse la fille d'un notable. Mais la guerre le pousse à quitter la cour de Mannheim ; il part en tournée et chante à Berlin en 1791. Gern y interprète deux classiques du répertoire de Singspiel d'alors : l'Osmin de Mozart et Stössel dans Apotheker und Doktor de Dittersdorf. On l'entend ensuite à la cour de Munich à partir de 1795.
Mais c'est bien Berlin qui l'appelle, car Gern y repasse en 1798 et est engagé au Hofoper en 1801 : il y restera jusqu'en 1829. Après ses débuts en Sarastro, il prend vite place parmi les meilleurs de la troupe. Sarastro est son rôle fétiche ; il y devient légendaire et promène son interprétation un peu partout, et notamment à Weimar en 1801. Dans le théâtre allemand de Berlin, il verra passer toutes les tendances du moment – en traduction –, notamment le genre larmoyant avec les opéras comiques (comme Mikéli dans Der Wasserträger de Cherubini, l'une de ses incarnations les plus fêtées) ou tragédies lyriques (Calchas dans Iphigénie en Aulide de Gluck, Narsea dans Die Bayaderen de Catel en 1814) venus de France, des pages italiennes en tout genre mais surtout des opéras bouffes comme ceux de Mozart (Almaviva en 1802) ou Fioravanti (Die wandernden Virtuosen en 1808). Évidemment, la basse prend part aux créations allemandes construisant un style national en pleine affirmation : Gern crée Das Zauberschloss de Reichardt en 1802, Der Schatzgräber de Schenck l'année suivante ou encore l'opéra héroïque Herrmann und Thusnelde en 1819 (B. A. Weber), ainsi que des pages de Kienlen, Himmel, Rungenhagen... et bien entendu Carl Maria von Weber. Il quitte la scène fin 1829 dans Wallensteins Tod. Au début du siècle, il se produit avec la grande tragédienne Schick, et le ténor Eunicke puis la fille de ce dernier. Il a aussi pour rival dans sa tessiture le célèbre Johann Christian Franz, son aîné.
À sa mort, l'Allgemeine musikalische Zeitung publie une nécrologie dans laquelle on peut lire :
la nature généreuse avait donné à Gern une excellente voix sonore, étendue dans le grave (jusqu'au contre-si [sous de la clé de fa]) ; dans le médium, sa voix était douce et bien timbrée, et les notes plus aiguës au-delà du do étaient plus faibles. L'exécution de cette vraie basse d'ancienne école (il était je crois élève de Raaff) était majestueuse et aisée, son trille excellent, son intonation toujours pure [...]
Le critique vante ensuite la clarté de sa prononciation et ses très bonnes connaissances
en musique attribuées à sa fréquentation précoce des messes de Haydn, Mozart, Vogler ou encore Danzi. Zelter écrit à Goethe à propos de Gern :
Sa voix était plein de la douceur, de la force et de la beauté d'un dieu... C'était aussi un excellent acteur ; son frère Laurent dans Roméo et Juliette, son porteur d'eau [dans l'opéra de Cherubini] sont inoubliables.
Le talent vocal de Gern ne l'a pas empêché de continuer à se consacrer au théâtre, comme souvent pour les acteurs-chanteurs de Singspiel. Il s'illustre aussi comme pédagogue, mais meurt peu après sa retraite. Son fils Albert Leopold devient un acteur berlinois apprécié. Son frère Balthasar est également doté d'une belle voix de basse et chante à Coblence et Mannheim. Il ne faut pas les confondre avec Gerl, autre basse contemporaine active à Vienne, Brno puis Mannheim. |