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Luiza Rosa TODI

1753 – 1833

Aussi [Luigia] [Luisa] [d'Aguiar] [d'Agujar]

Luiza d'Aguiar est Portugaise. Elle naît peu avant l'inauguration du prestigieux opéra du Taje, détruit instantanément par le violent tremblement de terre de 1755, auquel elle a la chance d'échapper. Installée à Lisbonne, la famille subsiste difficilement et les trois filles s'exercent au théâtre : c'est dans Molière que débute la cadette, en traduction portugaise. Luiza commence également à chanter et travailler la musique sous l'égide du violoniste Francesco-Xavier Todi, qu'elle finit rapidement par épouser à seize ans.
Luiza Rosa TodiSon talent prometteur s'exprime tout d'abord dans le genre bouffe, au théâtre de la cour, où Perez l'engage. C'est à l'opera comica qu'elle se consacre donc les premières années de sa carrière, entre le Portugal et Londres, où son succès est modeste. Après un second séjour anglais, Todi s'arrête à Madrid et chante L'Olimpiade de Paisiello : le succès est alors vif et la cantatrice comprend que le genre sérieux lui correspond bien mieux.
En 1778, Legros l'invite à Paris pour se produire au Concert spirituel et Versailles : le style épuré, expressif et touchant de Luiza Rosa Todi conquiert le public parisien, et les éloges seraient longs à dénombrer. Le Journal de Paris se fait l'écho de l'enchantement suscité :
Rien n'est comparable au ravissement qu'ont produit les morceaux chantés par Mme Todi ; cette cantatrice réunit tous les suffrages ; on admire en elle la beauté de sa voix, son chant partout est plein de grâce et d'expression [...]
Reine des concerts et des salons, la Todi est de nouveau à Paris en 1781, après être passée en Italie, et notamment Turin où elle crée le rôle titre d'Andromaca de Vicente Martín y Soler avec le ténor Prati et le castrat Bedini. Après Paris, la Todi continue de parcourir l'Europe et se produit à Berlin, où Frédéric II lui fait travailler le répertoire de Graun et Hasse dont il ne se lasse pas. Finalement séduit, il ne cède cependant pas aux exigences financières de la cantatrice – il paie déjà une forte somme pour la Mara ! –, qui pousse alors son périple jusqu'à Vienne. Joseph II et le public autrichien lui réserve un triomphe à chaque concert. En 1783, elle participe ainsi aux festivités honorant le tsarevitch. Turin (Vologeso de Martín y Soler avec le castrat Consoli) puis Paris l'entendent encore ; c'est l'occasion d'une polémique comme les Parisiens l'aiment tant, puisque la virtuosissime Mara a quitté Berlin et se produit à Paris au même moment : le public se divise entre maratistes et todistes ! Le Mercure du mois de juin de cette glorieuse année pour le chant détaille ainsi les talents de la Portugaise :
La voix de Mme Todi est large, noble, sonore, intéressante, fort étendue dans le grave, assez dans l'aigu ; elle a sur la voix quand elle chante la grande expression, certain voile qui la rend encore plus intéressante. Cette légère altération qui paraît venir de son âme est souvent d'un effet si heureux qu'elle remplit celle des auditeurs de la plus vive émotion ; les larmes coulent autour d'elle.

La place est libre à Berlin où elle est finalement engagée après de longues négociations : elle s'y rend à la fin de 1783 via l'Angleterre, mais l'accueil n'est pas très favorable et le souverain et son public, plus habitués aux roulades brillantes et suraigus, lui reproche son « style français » ! Todi se contente d'une saison, d'autant qu'elle est engagée à Saint-Pétersbourg par Catherine II qui n'a pas manqué d'entendre parler des succès de la tragédienne à Paris.
Ces prestations au théâtre de l'Ermitage sont mémorables : elle incarne de grands rôles dramatiques écrits par le talentueux Sarti, en commençant par Didone abbandonata. On convie un partenaire à la hauteur du talent de Todi, en la personne du mythique castrat soprano Luigi Marchesi : ce sera le Renaud d'Armida e Rinaldo de Sarti, en 1786. Le castrat Adamo Solzi se joint à eux pour le Castore e Polluce du même auteur. Le crédit de la cantatrice auprès de l'impératrice est tel qu'elle réussit à prendre le pas sur un Sarti méfiant, et se voit confier l'éducation vocale des princesses impériales. Mais en dépit de ces positions envieuses et des somptueux cadeaux qu'on lui fait, la Todi quitte la Russie après la festa teatrale Pollinia. Le nouveau roi de Prusse lui propose un contrat encore plus avantageux que le précédent pour s'attacher ses talents à Berlin, dont le souvenir n'était pas si bon.
Buste de la Todi à SetùbalLe succès est cette fois-ci au rendez-vous : elle crée Andromeda de Reichardt en 1788, puis Medea in Colchide de Naumann, avec le castrat Concialini. Après diverses prestations dans le reste de l'Allemagne, elle rejoint Paris où le public du Concert spirituel lui réserve un accueil enthousiaste et où Cherubini lui écrit une scène dramatique. Dans le Brenno écrit par Reichardt l'année suivante, Todi et Concialini sont rejoints par la fabuleuse basse Ludwig Fischer. Ce sera la dernière création de la cantatrice pour Berlin, et la Todi gagne Venise via la Hollande, où elle donne des concerts qui frappent Nina d'Aubigny. Dans la Sérénissime, Todi affronte Marchesi, présent dans un théâtre rival. En 1791, elle chante ensuite à Padoue, puis Bergame dans un pasticcio sur Didone abbandonata avec le castrat Testori. Elle est encore à Parme, puis Turin où elle donne Annibale in Torino de Zingarelli, Atalanta de Giordani avec le ténor Ansani et le soprano Andrea Martini, dit Senesino. En 1792-93, elle s'impose à Madrid et Lisbonne (cantate Il Natale augusto d'António Leal Moreira), notamment dans la Didone abbandonata de Sarti, et affronte crânement la rivalité de la brillante Brigida Banti.
À partir de 1796 et jusqu'en 1799, elle est la première chanteuse du San Carlo de Naples : on l'entend dans Andromaca de Paisiello, l'oratorio Gionata Maccabeo de Guglielmi, et d'autres œuvres notamment de Tritto et Capotorti. Ses partenaires se nomment Giacomo David et Pietro Mattucci. De plus en plus malvoyante et en fin de carrière, Todi se retire alors au Portugal.
Elle est veuve en 1803, et l'agitation de l'Europe en cette période tourmentée n'épargne pas la chanteuse qui perd une partie de ses biens. Elle termine ses jours aveugle, modestement, mais vénérée de ceux qui gardaient le souvenir de ses incarnations bouleversantes.

Vocalement, on a souvent opposé la Todi aux plus brillantes Mara et Banti ; Todi possédait pourtant une voix parfaitement capable de se plier à de longues coloratures, y compris dans la quinte aigu et au moins jusqu'au contre-ré. On lit pourtant souvent qu'elle était mezzo-soprano : c'est donc tout à fait inexact. Cependant, elle devait posséder une couleur et une résonance particulière dans le bas du registre, régulièrement sollicité, et surtout un charisme et un feu conférant à ses incarnations une aura encore réhaussée par sa beauté. Le style et le tempérament de la Todi illustrent les tendances fortes d'un classicisme porté sur une expression plus sobre et une sentimentalité touchante, ainsi qu'une idéalisation de la femme et de la diva portée à son comble dans les figures romantiques à venir.


Vocalise écrite pour la Todi dans Brenno (1789). L'air court du sib2 au 5, en insitant sur l'aigu

L'Amore soldato Ottavina A. Sacchini 1778 Londres
  M. L. Gioni, orchestra A. Scarlatti dir. M. Pradella – retransmission RAI Napoli, 1973
Se cerca, se dice Megacle A. Sacchini 1778 Paris
[air de concert ?] J. Seara, Os Músicos do Tejo dir. M. Magalhães – As arias de Luisa Todi, CD 2010
Più non si trovano Argene A. Sacchini 1778 Paris
[air de concert ?] J. Seara, Os Músicos do Tejo dir. M. Magalhães – As arias de Luisa Todi, CD 2010
Andromaca Andromaca V. Martín y Soler 1780 Turin
  Réduction pour quatuor à cordes : E. de la Merced, Cuarteto Canales dir. L. Llácer – captation d'un concert, Grenade 2006
Arminio Rosmonda B. Ottani 1781 Turin
> air Se pietà tu senti al seno J. Seara, Os Músicos do Tejo dir. M. Magalhães – As arias de Luisa Todi, CD 2010
Armida e Rinaldo Armida G. Sarti 1786 St-Pétersbourg
  A. Chiericchetti, Orchestra pro arte Marche, dir. M. Berdondini – CD Bongiovanni, 2007
La Didone Didone N. Piccinni 1791 St-Pétersbourg
> scène finale J. Seara, Os Músicos do Tejo dir. M. Magalhães – As arias de Luisa Todi, CD 2010
Andromaca Andromaca G. Paisiello 1797 Bergame
> scène Povero prence J. Seara, Os Músicos do Tejo dir. M. Magalhães – As arias de Luisa Todi, CD 2010
Récital hommage divers    
  J. Seara, Os Músicos do Tejo dir. M. Magalhães – As arias de Luisa Todi, CD 2010 [beaucoup d'airs de son répertoire mais pas nécessairement écrits pour elle]